Histoire des institutions 7/02/08

Les ressources extra-ordinaires

 

Ces ressources vont finir par obtenir une sorte de régularité, mais on continue à les qualifier d'extra-ordinaires, parce que ce sont de façon systématique les circonstances qui vont dicter leur apparition.

 

Quelques exemples : fin du 12ème début du 13ème siècle le roi prélève un impôt sur la dîme (impôt clérical), qui porte le nom de décime. L'objectif pour Philippe le Bel est de payer ses croisades et surtout de maintenir l'ordre dans le royaume. Sur la base de cet exemple le roi de France va éprouver de façon régulière la nécessité de prélever des contributions sur ses sujets afin de pouvoir défendre le royaume, à l'intérieur comme à l'extérieur. Pour justifier cette évolution, le pouvoir royal évoque l'idée que l'impôt extra-ordinaire est un moyen de racheter le service armé que les vassaux et arrières-vassaux du roi sont tenus de respecter en raison du lien féodo-vassalique. Au 14ème siècle, la guerre va renouveler l'exigence fiscale du roi (on a besoin de renouveler l'armée), mais parallèlement à cette exigence fiscale se développe l'idée que le roi ne peut pas établir seul l'impôt. Cela suppose donc que le roi de France négocie le montant, la régularité, de ces ressources extraordinaires. Et cette négociation entre le pouvoir royal et les sujets du royaume peut se faire dans le cadre des assemblées de baillage, ou encore dans le cadre des Etats provinciaux (les provinces où les Etats continuent d'exister), ou encore dans le cadre des Etats généraux.

 

Premier élément de ces ressources extraordinaires : les impôts directs. Ils frappent des personnes et des biens de façon régulière, sur la base d'un rythme prévu à l'avance. Le premier impôt direct obtenu par la monarchie française est la taille, qui est destinée à entretenir une armée de métier sous les ordres du roi. Cette armée de métier va fonctionner de façon permanente. Cette taille frappe le revenu global de l'assujetti. C'est un impôt qui est par nature inégalitaire, parce que ne sont concernés que des membres du tiers-état : la noblesse et le clergé échappent à la taille. Cette taille est un impôt de répartition : le roi, avec son conseil, décide du montant total à prélever sur le royaume, qui porte le nom de brevet de taille, qui est ensuite réparti entre les provinces qui composent le royaume. Les circonscriptions financières des provinces portent le nom de généralité. Dans les généralités la répartition se fait ensuite entre les villes et les paroisses, et dans ces dernières ce sont les personnes élues par les habitants qui vont répartir le montant de taille à prélever entre les foyers. Ces personnes, désignée par la population, portent le nom d'asséeurs. Les provinces, considérées sous l'ordre fiscal, se répartissent entre ce qu'on appelle les pays d'élection et les pays d'états. Dans les pays d'élection, c'est l'administration royale qui se charge de répartir l'impôt entre les villes et les paroisses. Dans les pays d'élection, on le voit, ce sont les élus du pouvoir royal qui contrôlent également le contentieux fiscal. Il y a ici beaucoup moins d'autonomie puisque ce sont directement les envoyés du roi qui interviennent.

 

Les pays d'Etat sont des provinces qui, lors de leur rattachement à la couronne, ont eu le privilège de conserver leurs états, institutions représentatives des trois ordres de la population, institutions similaires aux Etats généraux du royaume qui ont vu le jour pendant la période féodale au moment de l'émancipation des principautés, sur le même modèle que ce qui se passait dans le royaume. C'est ici le même processus que celui que l'on a pu évoquer pour les parlements. Ces états provinciaux ont donc un droit de regard sur l'administration et la fiscalité de leur province. Ce sont ces états qui vont répartir l'impôt, avec une plus grande liberté que ce que l'on peut connaître dans les pays d'élection, avec une meilleure prise en compte de l'aspect local de la province.

 

Pour le 17ème siècle, le pouvoir royal va tenter de créer de nouveaux impôts, moins inégalitaires dans leur conception, parce que ces nouveaux impôts sont sensés toucher l'ensemble de la population du royaume, quel que soit l'ordre dans lequel l'individu appartient.

 

La première traduction de cette volonté est la capitation. Cette capitation apparaît en 1695. C'est un impôt qui prévoit une répartition de la population dans 22 classes fiscales. Dans chacune de ces 22 classes l'impôt sera identique. La classe la plus élevée est celle où l'on retrouve le dauphin, futur roi de France, qui va payer au titre de la capitation 2000 livres. Dans la dernière classe de capitation on va retrouver par exemple ceux que l'on appelle les journaliers, paysans parmi les plus pauvres qui ne disposent pour vivre que de leur force de travail, qu'ils louent. Ces journaliers ne vont payer que la somme de 20 sous.

 

Autre création : le dixième, qui apparaît en 1710, qui se transforme en 1750 pour devenir le vingtième. Il s'agit avec cet impôt de payer un dixième puis un vingtième de son revenu (revenu qui se compose des biens immobiliers, du foncier, du mobilier, des offices, ainsi que du travail, de l'industrie). On a donc décidé ici de prendre en considération l'ensemble des revenus des contribuables : tout ce qui est source de revenu est intégré pour calculer le paiement de l'impôt. Toute la population est également concernée. C'est un nouveau progrès dans l'égalité fiscale en théorie, mais dans la réalité ces impôts vont se heurter à la résistance des populations et notamment à la résistance des plus riches. Le dixième et le vingtième reposent pour leur calcul sur la déclaration des propriétaires. Ce principe de la déclaration va permettre la pratique de la sous évaluation des revenus, et comme l'administration fiscale ne dispose pas de moyens de contrôle de ces déclarations, les rendements du dixième et du vingtième restent très nettement inférieurs à ce qu'ils aurait du être.

 

L'administration fiscale pratique aussi l'abonnement, qui permet au contribuable de payer une somme forfaitaire pour une période donnée de 3 à 5 ans, en début de période, et d'être exempté pour les années suivantes. L'administration pratique aussi le rachat. Cet impôt qui était pertinent dans sa conception, ne va remplir les objectifs qui lui avaient été fixés, ce qui explique que le problème du déficit de la monarchie restera tout au long du 18ème siècle un problème récurrent, une des causes principales de la révolution de 1789.

 

Une autre composante de ces ressources extraordinaires est constituée des impôts indirects. Ces impôts indirects peuvent être définis de la façon suivante : ils touchent une opération, souvent économique, qui va donc toucher chaque personne qui se livre à cette opération, indépendamment de la richesse de cette personne, de son appartenance ou non à un ordre privilégié. L'impôt indirect est donc un impôt qui présente le meilleur rendement fiscal, parce qu'il permet de manière systématique et régulière une bonne rentrée de fonds. Ce sont souvent des impôts hérités de la période féodale, des impôts archaïques, et en langage fiscal contemporain on utilise le terme de taxe.

 

Le premier exemple de ces taxes, de ces impôts modernes, est constitué par les corvées. Il s'agit avec ces corvées d'entretenir les routes et axes de circulation du royaume. Les assujettis doivent au pouvoir royal un certain nombre de journées de travail. C'est donc un impôt, une taxe payée en nature, ce qui renforce le caractère archaïque. On note quelques initiatives pour moderniser la corvée : elle peut être rachetée en argent par les communautés d'habitants.

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