Droit civil 29/02/08

Les biens du majeur en tutelle sont gérés par un système de représentation dans lequel le rôle du tuteur est central (voir tutelle du mineur). Ce système de représentation est nécessaire dans la mesure où l'incapacité du majeur est de droit continue et générale : elle est de droit puisqu'elle résulte du seul jugement d'ouverture de la tutelle, elle est continue puisqu'elle s'exerce même pendant les intervalles de lucidité, , elle est générale puisqu'elle concerne tous les actes.

 

Il existe cependant des exceptions. Le majeur protégé peut faire seul les actes pour les besoins de la vie courante, sous réserve d'agir dans un moment de lucidité, il faut aussi réserver le cas des testaments et des donations, qui malgré leur caractère patrimonial ont une dimension personnelle. Le testament peut donc être valablement fait par le majeur protégé si le conseil de famille l'a autorisé et avec l'assistance du tuteur (article 504, mais l'assistance est supprimée par la loi de 2007). A défaut d'assistance, le testament serait nul de droit.

 

Les donations sont valables avec l'autorisation du conseil de famille et si elles sont faites en faveur des descendants, frères et soeurs ou conjoint (article 505, mais la loi de 2007 ne limite plus les bénéficiaires mais exige l'assistance du tuteur).

 

A part ces exceptions, tous les actes faits par le majeur après la mise sous tutelle sont nuls.

 

Qu'en est-il des actes faits avant la mise sous tutelle ? En principe ces actes sont valables, mais ils peuvent toutefois être annulés si la cause de l'ouverture de la tutelle existait notoirement à l'époque où ils ont été fait (article 503). Tous les actes sont visés par cet article 503. Quatre conditions doivent être remplies :

  • un jugement de tutelle

  • une altération des facultés personnelles

  • le caractère notoire de cette altération, auquel il faut assimiler la connaissance personnelle du cocontractant

  • existence de l'altération à l'époque (et non au moment) de la passation de l'acte

 

Il s'agit d'une nullité facultative et non de droit : le juge n'est pas tenu de la prononcer, mais apprécie souverainement si l'acte est ou non contraire aux intérêts du majeur. Si les conditions de 503 ne sont pas remplies, le juge doit rechercher si une annulation sur le fondement du droit commun (489) ne peut être prononcé.

 

Si la demande aboutit, l'acte est nul et, s'agissant d'une nullité relative, elle se prescrit sous 5 ans à compter du jugement d'ouverture de la tutelle. Le délai est suspendu à l'égard du majeur lui-même.

 

La loi de 2007 réduit la période suspecte à deux ans avant la publication du jugement et elle est étendue à la curatelle.

 

Les actes passés par le majeur après le jugement de tutelle sont nuls de plein droit (article 502) : le juge doit prononcer la nullité. C'est une nullité relative, qui se prescrit donc par 5 ans et qui commence à courir deux mois après la publicité du jugement d'ouverture de la tutelle.

 

2) La tutelle aménagée

 

Le juge des tutelles peut simplifier l'organisation de la protection du majeur de trois manières (mais les deux premières sont supprimées par la loi de 2007).

 

a. l'administration légale des majeurs protégés

 

Celle-ci peut être ouverte quand le majeur a une famille apte à gérer ses biens. On applique alors le régime de l'administration légale des mineurs (article 497). Généralement cette décision est prise en faveur d'enfants handicapés qui deviennent majeurs. L'administrateur légal, comme le tuteur, doit rendre compte de sa gestion. L'organisation est plus simple que celle de la tutelle puisqu'il n'y a ni conseil de famille ni subrogé tuteur.

 

b. la gérance de tutelle

 

Elle est prononcée à titre subsidiaire quand le majeur n'a pas de famille apte à exercer la tutelle. Elle est autorisée quand le patrimoine du majeur protégé est peu important (c'est ce qu'on appelle parfois la tutelle des pauvres). Elle est d'un coût moindre que la tutelle dans la mesure où son fonctionnement est simplifié : il n'y a ni conseil de famille ni subrogé tuteur. La charge de cette gérance est confiée à un gérant placé sous le contrôle du juge des tutelles, qui a moins de pouvoir que le tuteur. Il peut juste percevoir les revenus du majeur, en payer les dépenses, et verser le surplus sur un compte (article 500 alinéa 1). Tous les autres actes sont soumis à l'autorisation du juge des tutelles.

 

c. l'atténuation judiciaire de l'incapacité

 

C'est la mise en place d'une tutelle sur mesure. Le juge peut autoriser le majeur protégé à effectuer certains actes soit totalement seul, soit avec l'assistance du tuteur qui joue le rôle d'un curateur (article 501, 473 alinéa 2 nouveau). Ces actes doivent être énumérés dans le jugement d'ouverture ou dans un jugement postérieur. Le juge doit prendre l'avis du médecin traitant avant de se prononcer.

 

VI. Le futur mandat de protection future

 

Il est organisé aux articles 477 à 494 du code civil par la loi de 2007. Il permet à un majeur, en prévoyance d'une éventuelle ou d'une prochaine altération de ses facultés, de donner pouvoir à un tiers sur ses biens et, s'il le souhaite, sur sa personne, sauf pour les actes purement personnels.

 

Il s'agit donc d'une protection conventionnelle.

 

A/ Les conditions

 

Le mandat peut être notarié, et dans ce cas l'acceptation devra se faire dans les mêmes formes (parallélisme des formes). Il peut aussi être passé sous seing privé : il doit alors soit être contresigné par un avocat, soit être établi selon un modèle définit par décret en Conseil d'Etat. Le mandataire l'accepte en y apposant sa signature. Aucune publicité n'est exigée.

 

Tous les majeurs ou mineurs émancipés peuvent, en principe, le conclure, sauf le majeur en tutelle et le majeur en curatelle qui ne peut le faire qu'avec l'assistance de son curateur. Le mandataire est toute personne physique choisie par le mandant ou une personne morale qui doit être inscrite sur une liste départementale.

 

Le contenu de ce mandat est librement fixé par le mandant, mais il varie selon la forme du mandat : s'il est notarié il peut porter sur les biens et la personne (sauf actes purement personnels) ; s'il est sous seing privé, il ne peut porter que sur des actes conservatoires ou de gestion courante relatifs aux biens. Dans tous les cas il peut être à durée déterminée ou indéterminée.

 

Le mandat ne prend pas effet dès les premiers signes d'altération des facultés : une formalité est nécessaire. Il s'agit d'un certificat médical établi par un médecin agréé (choisi sur la liste du procureur de la république) qui constate que le mandant ne peut plus pourvoir seul à ses intérêts. Ce certificat doit ensuite être remis aux greffes du juge des tutelles : c'est à ce moment seulement qu'il produira ses effets.

 

B/ Les effets

 

Le mandant conserve sa capacité puisqu'il ne s'agit que d'une représentation conventionnelle. Toutefois les actes accomplis par le mandant après la prise d'effet du mandat peuvent être remis en cause par récision ou réduction pour excès comme pour la sauvegarde de justice. L'action peut être intentée par le mandant ou ses héritiers, et bien entendu l'action en nullité de droit commun pour insanité d'esprit (489) est ouverte. Le mandataire, lui, doit exécuter sa mission et ne pas la dépasser. Il doit procéder à l'inventaire du patrimoine des biens du mandant et rendre compte de sa gestion dans les modalités fixées au contrat. A l'expiration du mandat et dans les 5 années qui suivent, il doit tenir à la disposition de la personne qui poursuivra la gestion, ou à la disposition de la personne protégée si elle est apte, ou de ses héritiers, l'inventaire des biens et les comptes de gestion.

 

 

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