Histoire des institutions 15/01/08

INTRODUCTION


Au XVIIIème siècle le terme de révolution signifie rupture brutale, changement de nature extra-ordinaire qui surviennent dans les affaires publiques. Cette révolution française de 1789 s’affranchit de l’histoire qui la précède en inventant dès le printemps 1789 le terme et le concept d’ancien régime. Dans l’esprit des révolutionnaires cet ancien régime constitue le négatif absolu de ce qu’est le nouveau régime.

 

On oppose ce qui est en place avant 1789 au nouvel ordre qui se met en place, c’est à dire un nouvel ordre révolutionnaire qui est bourgeois, libéral, et industriel.

 

Cet Ancien régime, cette période moderne, va constituer la première partie du cours. La seconde partie de cet enseignement concerne le début de ce que les historiens appellent la période contemporaine. Pour ce qui va nous intéresser cette seconde partie ne concernera que la décennie de la révolution française. Trois siècles pour la première partie, dix ans pour la seconde, cela s’explique par la succession de fracture institutionnelle, politique, sociale et économique que connaît la France pendant la révolution française. C’est pour cette raison que l’enseignement qui est proposé va s’intéresser tout d’abord aux institutions, mais également à ce que l’on peut appeler l’ « histoire totale », histoire totale parce que les institutions, leur bouleversement, sont le résultat de l’histoire économique, de l’histoire sociale, de l’histoire juridique, tout autant que de l’histoire politique. Et pour aller plus loin dans la définition du contenu de ce cours, il s’agit ici d’esquisser par l’étude des continuités et des ruptures les institutions de la France contemporaine. 

 


PARTIE 1 : LA MONARCHIE ABSOLUE, L’ANCIEN REGIME

 


Titre 1 : Le système politique et l’organisation institutionnelle : l’absolutisme monarchique

 

 

Ce système monarchique émerge alors que le système féodal est remis en cause, alors que le pouvoir monarchique se restaure, grâce notamment à l’église, élément de centralisation du pouvoir politique.

L’église, par ce système centralisateur, va inspirer les rois de France, puis entre les monarchies va s’instaurer une concurrence politique, qui va donner naissance au gallicanisme qui permet au roi de France d’apparaître comme le chef temporel dans son royaume, il peut être redéfini de façon concrète en 1518 avec le concordat de Bologne. 

Il se crée ensuite une concurrence administrative et juridique entre les souverains de France et l’autorité seigneuriale.

Un troisième facteur est à considérer : le rôle des légistes, des juristes avec la renaissance du droit romain, qui permet à un certain nombre d’adages juridiques d’être « modernisés » : « le roi est empereur dans son royaume », « toute justice émane du roi »… C’est cet adage juridique qui permet la victoire des justices royales sur les justices seigneuriales qui sont considérées comme des justices concédées par le roi, qui peut à tout moment licencier ces justices seigneuriales sur la base de certaines techniques  (prévention, cas royaux…).

 

Des ressources financières sont disponibles pour la monarchie afin de combattre la féodalité avec au 13ème siècle, la possibilité pour le roi de France, s’il obtient l’accord de la pape, de réunir sous la forme d’états généraux la possibilité de prélever un impôt outre cet aspect fiscal, une étape supplémentaire est franchie en 1469 car le roi de France obtient la création de la taille, impôt servant à financer l’armée royale permanente.

 

Autre traduction de la restauration du pouvoir monarchique : l’Etat royal s’agrandit par le retour dans le domaine du roi des grandes principautés territoriales (en 1349 le Dauphiné, province importante puisque les Dauphins, prétendants directs au trône, tiennent leur nom de cette principauté ; le 15ème siècle est particulièrement riche en exemples : en 1468 c’est la Normandie qui réintègre le domaine de la couronne, 1477 la Bourgogne, 1481 la Provence).

Ce mouvement de ré-appropriation du territoire se poursuit également pendant la période moderne : jusque dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. La société connaît un certain nombre de continuités lors du passage entre moyen âge et période moderne : continuité quant à la division de la société en trois ordres, dans une conception fonctionnelle du rôle des uns et des autres. Dans ces trois ordres, ces trois états sociaux, on va retrouver ceux qui prient, le clergé, ceux qui combattent, la noblesse, et enfin le tiers-état, composé de ceux qui travaillent pour faire fonctionner l’ensemble du système. Seuls les deux premiers ordres disposent de privilèges. Cette organisation, cette structure fonctionnelle, existe depuis le XIème siècle. Elle permet d’offrir un aspect religieux à l’organisation de la nation, puisque ces trois ordres rappellent la Sainte trinité, avec au sommet de ce système le roi. Cette organisation sociale interdit l’idée démocratique même puisqu’il n’existe pas dans cette conception de partage de la souveraineté envisageable. A côté de cette continuité sociale, on trouve une continuité économique avec l’organisation juridique des métiers, du travail, au sein des corporations, qui sont régies par des statuts, qui sont obligatoires, qui rassemblent tous les acteurs d’une profession, et qui s’organisent dans le cadre d’une ville.

 

 

 

Chapitre 1 : Le pouvoir royal

 

Section 1 : la doctrine d’absolutisme

 

La monarchie absolue est la forme de régime politique qui prévaut en France au 17ème et au 18ème siècles (apogée de l’absolutisme, même si certains règnes précédents rappellent ce qui sera définit au 16ème comme les fondements de la monarchie absolue). L’absolutisme monarchique apparaît d’abord et avant tout comme une tentative de construction de l’Etat par le droit. Cela signifie clairement que les juristes, les légistes, vont jouer un rôle majeur dans la construction théorique de ce régime politique. Dès la première moitié du 16ème siècle, toute une littérature permet de faire avancer l’idée d’une monarchie personnalisée (par la personne du roi), faire avancer l’idée également d’une monarchie sacralisée. Cette littérature des juristes de ce début du 16ème siècle a pour objectif de faire reconnaître les droits du roi et de la couronne. Ce travail juridique, littéraire, se concrétise, se parachève avec le juriste Jean Bodin qui défend dans ses travaux l’autorité du roi, une autorité du roi qui est menacée toute à la fois par les réformés et par les ultra catholiques.

 

I. Jean Bodin et les six livres de la république

 

Ces six livres de la république sont publiés en 1576. Dans cet ouvrage Jean Bodin redéfinit l’Etat. Pour Bodin l’Etat, c’est la république, cette fameuse « Res Publica » des Romains, cette chose publique. Pour Bodin l’Etat se définit par ce qu’il appelle la puissance souveraine, puissance absolue qui se rapproche de l’imperium des magistrats romains, des consuls, imperium qui constituait un pouvoir suprême de commandement aux mains des consuls. Cette puissance souveraine est présentée par Bodin comme une puissance unique, une puissance indivisible, et enfin une puissance unitaire. Ces trois caractéristiques permettent la cohésion de l’Etat. Cette souveraineté, cette puissance souveraine, doit s’occuper seule d’un certain nombre de domaines, domaines qui lui sont donc exclusivement réservés. Premier domaine réservé à la puissance souveraine : tout ce qui concerne les relations internationales (la diplomatie, la guerre, la paix, sont des domaines qui appartiennent exclusivement à la souveraineté). Autre domaine réservé : le domaine de la justice, et plus particulièrement le domaine de la justice de dernier ressort, le droit de grâce. Troisième domaine réservé : la possibilité de faire la loi, ce fameux pouvoir législatif. Le quatrième domaine réservé est la possibilité pour le souverain de nommer aux fonctions publiques. L’Etat doit impérativement être maître de son administration. C’est sur la base de cette puissance souveraine ainsi définie que Jean Bodin va classer les régimes politiques : la démocratie, régime politique où la souveraineté appartient au peuple, l’aristocratie, régime politique où la démocratie appartient à une part plus ou moins importante du peuple, et enfin la monarchie, où la souveraineté appartient à un prince. Dans leur forme de gouvernement, ces différents régimes peuvent se mixer (pour Bodin le meilleur régime est la monarchie).

 

La monarchie peut avoir différents gouvernements :

-          tyrannique : le prince dans sa pratique du gouvernement viole le droit

-          seigneurial : le prince gouverne en tant que seigneur des biens et des personnes

-          légitime : le prince obéit à Dieu et à la nature (aux lois de la nature)

 

C’est bien évidemment à cette dernière catégorie que va la préférence de Jean Bodin. Le sacre pour Bodin est le mariage mythique entre le Prince et Dieu, entre le prince et la couronne. Pour Bodin ce troisième type de monarchie et de gouvernement assure l’harmonie de la providence et la liberté des sujets, et c’est cette théorie d’une monarchie à gouvernement royal légitime qui va s’imposer sur toutes les autres conceptions relatives à la souveraineté et à l’organisation de l’Etat.

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