Histoire des institutions 12/02/08

En 1436, Charles VII fait la levée de cet impôt ancien (les « aides ») sans l'autorisation des Etats-Généraux, et elles vont devenir un impôt essentiel dans la fiscalité de l'Etat. C'est un impôt sur la circulation des marchandises de la vie courante, à l'entrée des bourgs et des villages. Parmi les aides on trouve une taxe spéciale qui concerne un produit spécifique : le sel, indispensable pour la population, parce que c'est le seul moyen au quotidien de conserver les aliments. Cette taxation du sel porte le nom de gabelle. Cet impôt du sel se rapproche de l'idée du monopole puisque le commerce de cette marchandise ne peut se faire que dans les greniers à sel, contrôlés par l'administration, et le principe de cette taxation est simple : au prix marchand du sel on va ajouter le droit du roi. La particularité de la gabelle est que son montant est variable selon la province dans laquelle on se trouve sur le territoire du royaume. Il existe des provinces qui sont exemptées (provinces de bord de mer), il existe des pays de petite gabelle et les pays de grande gabelle. Plus l'on s'éloigne des sources de sel plus l'impôt va être élevé. Il existe encore ce qu'on appelle les pays de saline (là où on va trouver le sel de terre, comme en Franche-Comté ou en Lorraine). On constate donc une très grande diversité fiscale par rapport à ce problème du sel.

 

Après les aides, on trouve ce qu'on appelle les traites. Ce sont des droits de douane, qui sont perçus à l'intérieur du royaume. Concernant ces traites le royaume est divisé en différentes zones, et en fonction de ces zones on doit payer une somme forfaitaire sur ce que l'on transporte.

 

Après les impôts directs et indirects on trouve les impôts expédiants. Ce sont d'abord et avant tout les emprunts. La monarchie va emprunter au près des banquiers, à des taux souvent très élevés, et cette monarchie française de l'époque moderne est dans l'incapacité de rembourser ses emprunts. Dans le meilleur des cas elle se contente de rembourser les intérêts, mais elle n'est jamais en mesure de rembourser le capital de l'emprunt, ce qui explique que cette monarchie française est considérablement endettée. Le 18ème siècle à cet égard est le plus significatif : le roi de France choisit de financer la guerre d'indépendance américaine en ayant recours aux emprunts. Cette question de l'endettement, dans l'ancien régime, est au coeur des préoccupations du gouvernement monarchique, qui est incapable d'y apporter la moindre solution, et ce sont ces questions financières qui vont entraîner la réunion des Etats-Généraux et le déclenchement de la révolution française.

 

Parmi ces expédiants, à côté de ces emprunts réalisés auprès des banquiers, la monarchie utilise la technique de la vente d'office. à savoir que le roi va multiplier la vente des charges d'offices publics dans ce qui constitue l'administration ordinaire du royaume. Ce système de la vente d'offices va prendre une importance considérable. Face à la pression des officiers, au 16ème siècle, le roi de France est obligé de concéder le principe de la survivance des offices, c'est à dire la possibilité pour les héritiers de l'officier de céder l'office, de le vendre à la mort de son titulaire. C'est une première étape vers la reconnaissance de l'hérédité de ces charges publiques, hérédité qui est obtenue par les officiers et à laquelle le pouvoir royal répond de la façon suivante : lorsque l'office est transmis, soit par héritage soit par vente, le pouvoir royal perçoit un montant de la valeur de la transaction.

 

Ce prélèvement prend sa forme définitive en 1604 : il s'appelle la paulette. Cela offre au pouvoir royal, puisqu'il ne peut pas créer de nouveaux offices, de toucher quand même des montants importants lors des héritages ou des ventes.

 

La question qui se pose tout de même concerne la capacité de ces officiers et donc la qualité de l'administration de l'Ancien régime. Pour répondre à ces besoins de qualité, on voit apparaître l'exigence pour le pouvoir royal de diplômes universitaires. Il faut cependant une réserve majeure : ces diplômes peuvent s'acheter.

 

B/ L'administration des finances

 

Elle est l'objet d'une réforme importante qui aboutit à la fusion des ressources ordinaires et des ressources extraordinaires. C'est désormais un contrôleur général des finances qui est à la tête de l'administration. Ce contrôleur général des finances va finir par s'imposer au fil du siècle comme étant le véritable premier ministre sans le titre. C'est lui qui va impulser la politique du gouvernement monarchique, c'est lui qui joue un rôle essentiel. Pour les impôts indirects, la gestion des rentrées est confiée à des fermiers, qui s'engagent à payer au trésor royal une somme qui a été déterminée au préalable par voie d'adjudication.

 

Le but pour les fermiers est alors de dépasser cette somme pour dégager un bénéfice le plus important possible : tout ce qui excède le montant de l'adjudication reste dans leurs poches. Ce fermage des impôts indirects se fair province par province et taxe par taxe dans chacune de ces provinces.

 

Une réforme introduit au 18ème siècle le système de la ferme générale des droits du roi : cette ferme générale a une compétence nationale : elle est composée de 60 individus, fermiers généraux, qui ont le pouvoir (privilège) de prélever les impôts, encore une fois sous forme d'adjudication qui est valable pour 6 ans, et qui est théoriquement renouvelée en principe au bout de ces 6 ans.

 

Cette ferme générale est l'administration la moins bien perçue par les gens du royaume : c'est la plus arbitraire et la plus inégalitaire au niveau de son mode de fonctionnement, et c'est cette administration-là que l'on va dénoncer de façon récurrente dans les cahiers de doléances de 1789.

 

IV. Le pouvoir militaire

 

La souveraineté offre au roi de France le droit de faire la guerre et la paix, le pouvoir de négocier avec les puissances extérieures. Pour faire face à cette responsabilité, le souverain dispose du pouvoir militaire, qui se caractérise par la capacité du roi à entretenir une armée permanente. Pendant la période qui nous intéresse cette armée permanente s'engage dans la modernité, parce que désormais les soldats sont salariés (soldés), ils se répartissent dans une organisation rationalisée des troupes, troupes qui sont encadrées par des officiers, qui sont à la tête de troupes qu'ils entretiennent avec leur fortune personnelle, qui appartiennent à la noblesse et qui sont propriétaires de leur office.

 

Ce pouvoir militaire du roi de France se traduit également par la construction de fortifications, destinées à protéger les frontières du royaume. On voit apparaître au 16ème siècle le service royal des fortifications, qui ne cesse de se développer surtout au 17ème siècle sous le contrôle et l'autorité du roi.

 

Section 4 : Les limites du pouvoir royal

 

Des limites vont s'imposer au roi, qui vont revendiquer une collaboration du roi avec les institutions, et donc remettre en cause le pouvoir absolu du roi.

 

I. La représentation de la nation

 

A/ Les Etats Généraux

 

Ces Etats généraux sont constitués par une représentation fonctionnelle de la population, en fonction du rôle respectif des uns et des autres dans la société d'ancien régime. Ces Etats Généraux du royaume rassemblent donc les trois ordres sociaux que connaît cette société d'Ancien régime. Premier ordre de la nation par son importance, son rôle social : le clergé, composé de ceux qui prient. Deuxième ordre de la nation : la noblesse, composée de ceux qui combattent, et enfin le tiers état qui rassemble le reste du peuple qui, par son travail, fait fonctionner l'ensemble du système. Ces Etats généraux, au début de notre période, sont réunis fréquemment par le pouvoir royal : 1576, 1588, 1593, et pour la dernière fois avant 1789 en 1614.

 

C'est le roi qui conoque ces Etats généraux sur la base d'un motif précis. Le plus souvent il s'agit de la levée d'un nouvel impôt. Il n'existe donc aucune périodicité quant à la réunion des Etats généraux. C'est la volonté royale qui joue ici un rôle essentiel. Il n'y a pas non plus de lieu précis pour la réunion des Etats généraux : c'est là encore la volonté du roi qui détermine le lieu de réunion. La réunion s'accompagne de façon systématique d'une procédure de consultation des ordres qui se traduit par la rédaction de cahiers de doléances.

 

La difficulté principale posée par ces Etats Généraux concerne leur représentativité : chacun des trois ordres dispose d'un nombre égal de représentants, alors que le tiers état représente à lui seul presque 98% de la population. Le problème se pose encore sur le fait que le tiers état soit représenté aux Etats généraux essentiellement par des urbains, alors que l'urbanisation est un phénomène largement minoritaire. Les populations rurales sont ainsi totalement exclues des Etats généraux.

 

Le fait que les Etats généraux n'aient plus été réunis depuis 1614 montre bien que la souveraineté monarchique est devenue une souveraineté absolue, y compris dans les questions fiscales qui justifiaient la réunion des Etats généraux, sur la base du consentement du peuple à l'impôt. Ces Etats généraux continuent donc d'exister dans l'absolu, mais ne sont plus depuis le début du 17ème siècle une réalité politique.

 

B/ Les assemblées de notables

 

Ces assemblées de notables sont sensées être, elles-aussi, des assemblées représentatives de la nation. Ce sont des institutions anciennes (François Ier par exemple a eu recours à une assemblée de notables en 1527 pour entériner le traité de Madrid), mais qui disparaissent petit à petit de la vie dans la monarchie absolue. On les voit reparaître en 1787 juste avant que Louis XVI ne décide de la réunion des Etats généraux du royaume, à l'initiative d'un contrôleur général des finances du nom de Calonne, qui utilise cette formule des assemblées de notables pour échapper à l'opposition des Parlements.

 

Pour ces assemblées de notables, comme pour les Etats généraux, il n'existe pas de règles précises de composition et de consultation. On distingue les notables en fonction de leur ordre. Ces assemblées de notables sont désignées dans les provinces par les gouverneurs. C'est donc un agent du pouvoir central qui va composer ces assemblées, ce qui pose là encore la question de leur représentativité.

 

En 1787, ces assemblées de notables réunies par Calonne refusent d'entériner les réformes en se basant sur le respect des privilèges. Ce refus montre bien l'absence de caractère non représentatif des assemblées de notables.

 

Cette idée de la représentation de la nation existe donc théoriquement dans l'Ancien régime, même si c'est avec beaucoup de limites. Elle ne constitue pas pourtant véritablement de contre-pouvoir solide face à l'absolutisme du roi.

 

II. La représentation des pays

 

A/ Les Etats particuliers ou Etats provinciaux

 

Concernant ces Etats particuliers, on se retrouve ici confrontés à la même logique que celle que l'on a pu évoquer à propos des parlements, à savoir que les grandes principautés, pendant la monarchie féodale, vont copier les institutions de la monarchie française. Ces grandes principautés vont disposer de Parlements, cours souveraines, également d'Etats généraux pour leur province, institutions représentatives de leur nation provinciale.

 

Ces Etats particuliers sont donc constitués sur les mêmes bases que les Etats généraux (représentation fonctionnelle de la population), sur la base des trois ordres sociaux.

 

Lors du rattachement de ces principautés à la couronne, le roi de France accorde à ces principautés le privilège de conserver leurs institutions propres, le privilège de conserver leurs Etats provinciaux, leurs Etats particuliers. Contrairement aux Etats généraux du royaume, ces Etats particuliers connaissent un rythme de réunion beaucoup plus régulier, ils connaissent également des compétences beaucoup plus précises. Pour le clergé on retrouve le haut clergé de la province. La noblesse est constituée dans ces Etats particuliers par tous les nobles qui possèdent un fief. La possession d'un fief permet de droit de siéger dans les Etats provinciaux. Parmi le tiers état, sont membres de droit les députés des villes (une fois de plus les campagnes sont exclues de cette représentation institutionnelle).

 

La convocation du roi reste indispensable à toute réunion des Etats particuliers, traduction de la supériorité du pouvoir souverain. On admet que ces Etats particuliers, ces Etats provinciaux, représentent, incarnent les besoins de leur province. A ce titre ces Etats particuliers vont rédiger les cahiers de doléances.

 

Le rôle principal reconnu aux Etats provinciaux, aux Etats particuliers, concerne le domaine fiscal : ce sont ces Etats qui vont, pour le roi, répartir l'impôt dans la province. Ce sont ces Etats qui vont trancher le contentieux fiscal. Ces Etats ont également pour compétence la capacité d'investir pour améliorer les équipements techniques de la province : l'entretien et l'administration des routes, des canaux, sont des domaines des Etats provinciaux. on retrouve également le domaine social (l'aide aux plus démunis).

 

A la veille de la révolution française, pour beaucoup d'observateurs contemporains, la situation du royaume pourrait s'améliorer de façon considérable si le pouvoir royal acceptait d'étendre à l'ensemble des provinces les Etats particuliers. Ces Etats apparaissent donc pour les contemporains comme des institutions favorables aux populations, au progrès économique et social. Pourtant les historiens, avec le recul, considèrent plutôt ces Etats provinciaux comme un instrument de domination aux mains des notables, avec le soucis permanent pour ces notables de préserver leurs privilèges. Ce soucis de conserver les privilèges s'explique tout simplement par la composition des Etats provinciaux, l'immense majorité de la population étant exclue, par la force des choses, de l'administration provinciale.

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