Institutions administratives 25/02/08
Chapitre 3 : Comment administrer ?
Il s'agit d'étudier les techniques juridiques de mise en oeuvre du concept d'administration.
On peut classer ces techniques sous trois grandes rubriques :
la centralisation administrative
la déconcentration administrative
la décentralisation administrative
Section 1 : La centralisation administrative
Il convient de définir et de mesurer les avantages et les inconvénients de cette technique.
I. Définition
La centralisation est le système dans lequel la prise de décision, tous les actes d'administration, s'ordonneraient autour d'un seul et même centre de pouvoir. Cette centralisation peut être directe ou indirecte ; directe : l'administration centrale n'a pas de relais ; elle gère tout d'elle-même : c'est une hypothèse d'école, ou correspondant à de très petits Etats ; indirecte : le pouvoir central dispose de relais qui recueillent la demande, la transmettent au pouvoir central, en reçoivent des instructions ; les relais appliquent les décisions du centre.
II. Avantages et inconvénients
Avantages : c'est l'égalité de tous devant les droits et les charges et obligations publics.
Inconvénients : c'est « l'apoplexie au centre, et la paralysie aux extrémités » (Michel Debré).
Le système centralisé est efficace en temps de guerre, et plus généralement dans le cas de figure de l'Etat gendarme, où seules prévalent les fonctions dites régaliennes (la défense, etc.).
Section 2 : La déconcentration administrative
I. Définition
La satisfaction des besoins publics s'est faite en France dans un passé éloigné sur un mode d'administration centralisé dont le modèle a été et reste encore partout dans le monde l'Etat Napoléonien. Mais la nécessité d'agir au plus près des citoyens, de manière plus souple, plus ajustée, est apparue très tôt. C'est en 1851 que le premier décret dit « anti-remontée » a été signé par le Président de la « deuxième » république.
La notion de déconcentration se définit par rapport à la centralisation, à la concentration des pouvoirs, dont elle est un tempérament, une atténuation. Elle est imagée par la célèbre formule : « c'est le même marteau qui frappe, mais le manche est plus court ». L'ouvrage est mieux forgé du fait d'une précision plus grande due à une plus grande proximité.
Le concept de déconcentration a fait l'objet de maintes définitions, à caractères juridiques ou sociologiques plus ou moins marquées. Ancienne ou actuelle, elles témoignent de la permanence du sujet :
En 1913, dans son traité de droit administratif, Henri Berthelemy écrivait : « on a cherché une expression pour caractériser les mesures par lesquelles on accroît les pouvoirs ou les attributions des agents locaux du pouvoir central : on emploie le mot de déconcentration.
En 1993, Paul Bernard, préfet de la région Rhônes-Alpes, écrit dans une publication : « il est regrettable que l'on n'ait pas trouvé une appellation plus lisible pour décrire un phénomène qui se situe au coeur de notre longue histoire nationale : la déconcentration, surtout lorsqu'on l'oppose à la décentralisation, est un terme plutôt hermétique et même incompréhensible pour les citoyens ».
En 1964, les décrets du 14 mars expriment à travers les motifs cette définition : « la volonté de simplifier et de coordonner l'action administrative, de faire descendre autant qu'il est possible de Paris vers la Province l'autorité et la responsabilité, et d'associer les administrés à l'action administrative. »
Dans son ouvrage de droit administratif, le professeur René Chapus donne la définition suivante : « Il s'agit d'une redistribution du pouvoir de décision dans le sens d'un amoindrissement de la concentration originelle au sommet. Au total, les attributions de la collectivité (Etats, autres collectivités) ne sont pas réduites. Sa sphère de compétence est inchangée : par exemple, la masse des affaires relevant de l'Etat reste ce qu'elle était. Mais, par exemple, le règlement d'affaires, relevant de la compétence du chef de l'Etat ou des ministres, est transféré aux préfets ou aux recteurs ».
II. Avantages et inconvénients
Avantage : c'est le rapprochement de l'administration des administrés, avec cette caractéristique importante que l'administration, que le pouvoir rapproché est nommé par le pouvoir central et que d'une certaine manière la centralisation est bien présente puisque les hauts fonctionnaires déconcentrés sont issus du même moule, des mêmes corps, et sont soumis à la même autorité (le chef de l'Etat, le Premier Ministre et les ministres).
Inconvénients : il peut y avoir incohérence entre différentes parties du territoire du fait de la relative autonomie donnée aux représentants locaux de la collectivité, comme les préfets, s'agissant de l'Etat.
Section 3 : La décentralisation
I. Définition
C'est le système d'administration reposant sur l'existence de centres de pouvoir (c'est à dire l'existence de personnes morales de droit public) autre que celui de l'Etat mais à l'intérieur de ce dernier, et voulu, défini, réglé par lui.
Alors que le mot « déconcentration » évoque l'image de cercles concentriques se propageant autour d'un même centre, le mot de « décentralisation » évoque l'image de la formation de plusieurs centres.
Le critère de distinction entre déconcentration et décentralisation est dans le mode de désignation des organes locaux du pouvoir : nomination d'une part (pour la déconcentration) ; élection d'autre part (décentralisation).
La décentralisation repose donc sur des personnes morales de droit public disposant d'une certaine autonomie, mais pas de la souveraineté, car ces personnes morales de droit public (communes, départements, régions) sont des collectivités territoriales et non des Etats fédérés. La souveraineté impliquerait, pour les collectivités territoriales, qu'elles aient leur propre constitution, leurs propres systèmes administratif, éducatif, judiciaire... Le fédéralisme peut être considéré comme la décentralisation poussée à l'extrême.
II. Avantages et inconvénients
Avantages : rapprochement très fort de l'administration et des administrés
Inconvénient : risque d'inégalité entre les citoyens
Ce sont les mêmes avantages et inconvénients que pour la déconcentration, mais amplifiés.
III. La décentralisation par service : la notion d'établissement public
De même que le concept de collectivité territoriale définit une catégorie de personnes morales exprimant une autonomie sur un territoire, de même le concept d'établissement public définit lui-aussi une personne morale exprimant une autonomie à l'intérieur même d'un service public, d'injecter de l'autonomie dans un segment d'un grand service public, centralisé-déconcentré comme la santé, le logement (offices publics de HLM), l'éducation (universités), ou à l'échelle locale dans le social (CCAS), etc.
A coté de la décentralisation par service, il y a la décentralisation territoriale.