Histoire des institutions 5/02/08

Il existe à côté de ces instruments d'autres instruments : lettres de committimus. Elles signifient littéralement « nous commettons comme juge ». C'est une désignation expresse d'un tribunal particulier. Le roi de France peut aussi désigner des commissaires, avec là aussi des commissaires auxquels il donne des compétences. Ce jugement par les commissaires est réservé aux affaires importantes, politiques, lorsque le pouvoir veut aller vite et éviter dans la mesure du possible la publicité.

 

Jusqu'à présent le roi intervient pour désigner le juge compétent. Il existe aussi un certain nombre de procédures qui lui permettent d'intervenir dans la procédure elle-même. Une première procédure est le droit d'évocation : elle permet au roi de retirer une affaire à son juge naturel. Un autre moyen d'action est la cassation : le roi casse la décision rendue par le juge, il l'annule et renvoie l'affaire devant un autre tribunal. La troisième et dernière possibilité consiste à adresser au juge une lettre de justice, qui permet au roi d'exposer sa position vis à vis de l'affaire. C'est une simple intervention, pas d'interruption de la procédure, pas de remise en cause de cette procédure, mais la position du roi va forcément être prise en cause au moment du jugement : c'est un moyen de pression politique sur les juges.

 

Pour exercer cette justice retenue, le roi a plusieurs instruments : une partie du conseil du roi se spécialise : le grand conseil. Il prend le nom de conseil des partis ou encore conseil privé au 17ème siècle. C'est véritablement l'organe suprême de la monarchie en matière judiciaire. C'est ce conseil des partis qui est chargé de juger notamment ce que l'on appelle les requêtes de l'autel, qui interviennent quand les affaires touchent des personnes importantes.

 

C/ La justice déléguée

 

Elle est constituée par les juridictions royales, qui vont au fil du temps supplanter les justices seigneuriales et ecclésiastiques.

 

Une première caractéristique de ces justices royales est leur hiérarchisation. On distingue d'abord les juridictions inférieures, avec au premier échelon les prévotés, avec à leur tête un prévot (agent du pouvoir royal). Ces prévotés ne connaissent que les petites affaires, c'est à dire celles qui mettent en cause les roturiers (ceux qui ne sont ni nobles, ni clercs). Ces justices ont été crées pour concurrencer les justices seigneuriales, au plus près des populations. Pour la période d'Ancien Régime, les charges de juge dans ces prévotés sont des offices, que l'on achète, qui intègrent le patrimoine de l'officier.

 

Ces justices prévotales subsistent jusqu'en 1789, uniquement dans les campagnes, puisque ces prévotés sont supprimées en deux vagues successives en 1734 et 1749 dans les villes qui accueillent les baillages et les sénéchaussées, qui constituent le deuxième degré de ces justices déléguées. A la tête de ces justices on trouve le baillis et le sénéchal. Une différence uniquement terminologique puisque ce sont les mêmes fonctions, et qui s'explique par la différence géographique des deux fonctions. Ces baillis et sénéchaux constituent pendant longtemps le plus haut degré des justices royales. Au départ ce sont des hommes de guerre, qui vont lutter au niveau local pour restaurer l'autorité du roi, pour restaurer le pouvoir souverain du roi, rendre notamment la justice. Ces baillis s'entourent d'un certain nombre de lieutenants, qui sont chargés de rendre la justice en leur nom, à leur place. Ce tribunal devient donc un tribunal collégial. En ce qui concerne les compétences, ces tribunaux vont juger en appel les cas royaux, c'est à dire toutes les affaires que le roi réserve à ces tribunaux. Lorsqu'un noble est concerné par exemple, c'est ce tribunal de baillage qui est compétent. Les affaires ecclésiastiques, pour ce qui concerne les tutelles, les curatelles, relèvent de la compétence du baillage. Ces tribunaux sont compétents également pour certaines affaires criminelles.

 

Les jugements rendus par ces juridictions sont susceptibles d'appel devant les cours souveraines, devant les parlements. En 1552, pour répondre à un besoin matériel, le pouvoir royal va créer une nouvelle juridiction, le présidial, qui a pour vocation de désengorger les autres juridictions, notamment les parlements, qui connaissent en appel jusqu'à 1552 les jugements des baillages. Avec les présidiaux on espère aussi uniformiser le droit sur l'ensemble du royaume. Concrètement la réforme se fait de la façon suivante : le pouvoir royal va choisir, sur l'ensemble du royaume, 60 baillages, qui vont être élevés au rang de présidial. Ces 60 présidiaux continuent à remplir leur fonction de baillage, mais ils vont connaître en plus les appels sur les jugements des autres baillages. Cette réforme de 1552 va permettre aux parlements, aux cours souveraines, de ne plus connaître que les affaires les plus importantes, à savoir les litiges compris entre 250 et 500 livres. Ce présidial, dans la contituité du baillage, est une juridiction collégiale, avec un président et neuf juges.

 

On trouve ensuite les juridictions supérieures, que sont les Parlements, les cours souveraines. Historiquement, il y avait un parlement unique pour le royaume (le parlement de Paris), né de la cour du roi, constitué par une petite somme d'individus qui entourent le souverain, pour l'assister lorsque celui-ci doit rendre la justice. Ces conseillers se spécialisent, et au 13ème siècle, sous le règne de Saint Louis, la cour du roi se réunit en Parlement, pour bien montrer qu'elle siège pour traiter les affaires judiciaires. Peu à peu se crée donc un véritable tribunal, qui va juger les affaires les plus importantes, notamment les affaires d'appel. il se réunit en sessions, puis devant la quantité d'affaires à traiter le parlement devient une juridiction permanente. Au fur et à mesure de la reconquête territoriale, lorsque les principautés réintègrent le domaine de la couronne, ces provinces nouvellement annexées conservent le privilège de voir subsister leur propre cour souveraine, leur propre parlement.

 

Il existe douze autres parlements, en plus du parlement de Paris. Même si ce parlement de Paris reste le plus important, par son poids territorial et par son prestige politique. Le premier parlement à apparaître après celui de Paris est celui de Toulouse en 1420, puis le parlement de Grenoble en 1457, puis celui de Dijon et le parlement de Bordeaux. Pour la période moderne, on a en 1515 la reconnaissance du parlement de Rouens, la même année la reconnaissance de l'existence du parlement d'Aix, et on peut remonter ainsi le fil institutionnel de la reconquête territoriale. Le parlement de Franche-Comté est installé à Dole après la conquête française, puis il est déménagé à Besançon en 1676. Le dernier parlement à intégrer les cours souveraines est le parlement de Nancy, en 1575, quand la Lorraine intègre le domaine de la couronne.

 

A côté de ces parlements, de ces cours souveraines, on retrouve ce qu'on appelle les conseils souverains, qui tiennent le rôle, la fonction de parlement. C'est le cas en Alsace, c'est le cas dans le Roussillon, c'est le cas encore en Artois, et enfin en Corse (quand elle est rachetée par le roi de france Louis XV en 1768).

 

Tous les parlementaires sont des officiers. Seul le premier président est nommé par le roi (s'il ne donne pas satisfaction dans l'exercice de sa mission le roi peut le remercier). Sous ce premier président, on retrouve ce que l'on appelle les présidents à mortier (chapeau carré caractéristique des juristes de l'ancien régime). on retrouve ensuite les conseillers au parlement, et dans cette hiérarchie on retrouve enfin ceux que l'on appelle les gens du roi, c'est à dire les procureurs pour les affaires pénales, ou les avocats du roi pour les affaires civiles, qui ont pour mission de représenter et de préserver les intérêts de la couronne.

 

La condition d'officier des parlementaires leur assure une véritable indépendance vis à vis du roi de France. Les magistrats du siège sont répartis dans plusieurs chambres, dont la plus importante, celle que l'on peut qualifier de formation principale, s'appelle la grande chambre. Dans cette grande chambre c'est le parlement tout entier qui se réunit, notamment pour enregistrer les actes royaux, pour assister encore au lit de justice tenu par le roi. Dans sa fonction judiciaire, cette grande chambre traite des affaires les plus importantes (procès de la famille royale, affaires mettant en cause les grands officiers de la couronne,les affaires qui traitent de crime de lèse majesté. A coté de cette grande chambre on retrouve dans les parlements, dont l'organisation est calquées sur celle du parlement de Paris, on retrouve les chambres des enquêtes, qui permettent l'examen des appels civils. pour le domaine criminel, pénal, sa compétence se limite à ce qu'on appelle le petit criminel, c'est à dire lorsque la sentence ne prévoit pas de peine aflictive. on retrouve ensuite la chambre des requêtes. Cette chambre des requêtes tranche des procès des particuliers qui bénéficient du privilège de committimus. On retrouve enfin dans cette organisation du parlement, la chambre de la tournelle, qui se prononce en appel pour les affaires du grand criminel. Contrairement aux parlements, les conseils souverains ont une organisation beaucoup plus simple, avec une ou deux chambres simplement. Les parlements ont principalement des compétences judiciaires, le plus souvent qui permettent de donner le jugement définitif. La seule voie de recours contre un jugement d'un parlement est la cassation par le conseil du roi. Les parlements ont également des attributions extra-judiciaires. Ils peuvent être consultés sur des questions politiques importantes, comme la validité d'un traité, la conformité des testaments royaux aux lois fondamentales du royaume, l'organisation des régences. Les parlements participent également au processus législatif puisqu'ils enregistrent les lettres patentes, lorsque ces dernières concernent leur ressort territorial. Cette procédure d'enregistrement s'accompagne de lettres de remontrances le cas échéant. les parlements ont également la possibilité d'exercer un véritable pouvoir normatif, à travers ce que l'on appelle les arrêts de règlement. Ce sont ces attributions extra-judiciaires qui font des parlements le principal organe de contre-pouvoir à l'absolutisme. Cette justice déléguée se compose donc des juridictions supérieures, parlement et conseil souverain, elle se compose enfin des justices exceptions.

 

La monarchie absolue a tendance à multiplier l'utilisation de cette justice déléguée. On le retrouve dans le domaine des finances. Il existe des chambres des comptes, qui vérifient la comptabilité royale.

 

On trouve un certain nombre d'exceptions dans le domaine militaire, ce que l'on appelle les amirautés. ces juridictions intéressent le(s) conflit(s) lié(s) à la marine, découlant de la police des ports et des côtes. Cette amirauté est une justice à plusieurs degrés. A la base il existe ce que l'on appelle des sièges particuliers, au nombre de 68 à la veille de la révolution française. On trouve un premier siège général à Paris et un deuxième à Rouens.

 

Une autre justice d'exception militaire est celle des prévots, des maréchaux. Cette juridiction se rapporte aux crimes des gens de guerre, des pilleurs et des vagabonds. Cette justice intéresse également les repris de justice. D'une manière générale, tout ce qui touche aux attentats à la sûreté publique. Il s'agit d'une justice dont les abus sont fréquents, à tel point que la monarchie tente de contrôler les juridictions. ce contrôle passe par l'intervention des presidiaux. c'est en effet un présidial qui doit confier une affaire aux é , qui doivent contrôler une activée des prévots. Ces justices consulaires sont des justices de commerce. La particularité de ces jusies consulaires sont que ces juges sont des commerçants choisis et élus par leurs pairs, qui jugent en premier et dernier ressort les affaires jusqu'à 500 livres. Cette justice consulaire est une justice efficace, une justice rapide et peu coûteuse. En 1789 il existe 67 tribunaux consulaires, qui font une véritable concurrence aux baillages.

 

III. Le pouvoir financier

 

A/ l'évolution des ressources de la monarchie

 

Le pouvoir royal a différents types de ressources : les ressources domaniales, que l'on appelle également ressources ordinaires. Le roi de France vit comme tout seigneur de l'impôt domanial, c'est à dire du revenu de ses domaines. Il perçoit donc la taille des hommes de ses domaines, mais il ne perçoit rien de ses fiefs concédés, si ce n'est le conseil et l'aide féodale. Le domaine royal n'est donc constitué que des terres où les hommes libres ne dépendent que de lui. Le domaine royal, c'est aussi des terres et des droits où le roi est seigneur foncier. ce sont les forêts, les domaines agricoles. Ce sont encore les péages et les droits de marché. Tous ces éléments constituent ce que l'on appelle le domaine corporel. A côté de ce domaine corporel il existe ce que les juristes appellent le domaine incorporel, c'est à dire un certain nombre de droits qui permettent au trésor de recevoir un certain nombre de rentrées financières.

 

Quelques exemples de ce domaine incorporel, de ces droits : le droit d'aubaine, qui permettait au roi de France de recueillir les biens des étrangers morts en France. Ce droit de déshérance permet au pouvoir royal de recueillir les successions des individus morts sans héritier. Il existe également le droit de bâtardise, qui permettait, conytre paiement d'une taxe. il existe également le droit de confiscation, qui porte sur les biens des condamnés, qui, confisqués, rejoignent le trésor royal. Un dernier exemple est le droit de régal, qui va permettre au trésor royal d'encaisser les revenus des bénéfices vacants.

 

Ces droits sont hérités de la période féodale. La période moderne va voir apparaître de véritables impôts indirects, et à cet égard le 17ème siècle est un siècle essentiel, parce qu'on voit apparaître de nouveaux droits, de nouveaux monopoles : exemple : monopole de la poudre à canon, qui apparaît dès 1601, monopole du tabac en 1674. Parmi ces impôts indirects la monarchie impose, pour authentifier ses actes, le droit de timbre, qui apparaît en 1673, le droit de centième denier, un droit sur la mutation des immeubles qui permet de prélever un centième de la valeur finale des immeubles. Dernier exemple de ces droits du domaine rénové au 16ème siècle et au 17ème : le droit de contrôle, qui est un droit d'enregistrement, qui est perçu à l'occasion d'un acte réalisé par un homme de loi ou une juridiction. Ces ressources ordinaires sont placées sous le contrôle de prévots dans un premier temps, sous l'autorité ensuite des baillis et sénéchaux, et enfin sous le contrôle des cours des comtes.

 

 

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