Sociologie 25/02/08

Les interractionnistes et notamment Becker expliquent que la déviance existe en tant que phénomène social à partir du moment où des comportements ont été étiquetés comme déviants. C'est bien le jugement d'autrui sur le déviant qui va faire de lui un déviant. Becker poursuit en disant que lorsque l'étiquetage est établi, que le jugement du comportement déviant est prononcé, le déviant, l'individu stigmatisé, va entrer dans une carrière spécifique, c'est à dire qu'il va suivre un processus, il va franchir différentes étapes qui vont faire de sa vie une histoire de déviant.

Selon les interractionnistes, ce ne sont pas les motivations déviantes qui conduisent au comportement déviant, mais le comportement déviant qui produit au fil du temps la motivation déviante.

S'agissant des fumeurs de marijuana, il distingue quatre étapes dans leur carrière, et au fur et à mesure que ces étapes sont franchies l'individu, le fumeur va intégrer, adopter un comportement, apprendre à se comporter en déviant.

La première étape est l'apprentissage de la technique, qui consiste à apprendre à fumer de la marijuana et pour cela il suffit de posséder dans son entourage des fumeurs de marijuana. Durant cette première étape un grand nombre d'individus en restera aux premières sensations désagréables et donc ne renouvellera pas l'expérience, et pour ces individus la carrière s'arrête, et ils sortent de la déviance. Certains vont constater qu'ils maîtrisent la technique, et qu'ils apprécient les effets de la marijuana, et ils vont donc franchir un seuil et passer à la deuxième étape : l'apprentissage de la perception des effets de la marijuana. 

Durant cette deuxième étape le fumeur doit être capable d'éprouver des sensations particulières lors de sa consommation, et là encore il y a ceux qui vont y arriver, et d'autres qui vont être considérés par les membres du groupe comme des incompétents, incapables de ressentir quoi que ce soit, et seuls ceux qui ont réussi l'apprentissage de la perception vont pouvoir continuer leur carrière.

Troisième étape : l'apprentissage du goût par les effets. Parmi ceux qui ressentent quelque chose lorsqu'ils fument, ceux qui ressentent du plaisir vont se distinguer.

Une fois que toutes les étapes ont été franchies, l'individu se reconnaît comme fumeur de marijuana, il est reconnu par les autres comme fumeur également, il a donc intégré le groupe et a réussi sa socialisation de déviant. Le problème qui se pose à lui est que l'interdiction de la vente de marijuana va devenir une contrainte et pour résoudre ce problème il va intensifier ses relations avec les autres fumeurs et il va prendre ses distances par rapport aux non fumeurs. C'est de cette façon selon Becker qu'il va transformer ses normes, ses valeurs, et c'est en devenant membre du groupe à part entière qu'il va justifier ses pratiques.

Cet individu, qui a réussi à franchir toutes ces étapes, va devenir déviant pour le reste de la société mais va être considéré comme normal dans le groupe des fumeurs de marijuana.

Pour les fonctionnalistes et les interractionnistes la déviance n'est pas un défaut d'intégration puisque selon les fonctionnalistes c'est la volonté de s'intégrer mais aussi la difficulté de s'intégrer qui amènent les individus à utiliser des moyens illicites pour réussir leur intégration. Pour les interractionnistes c'est l'étiquetage des entrepreneurs de morale qui définit le comportement déviant dans une société et c'est en franchissant les étapes d'une carrière que le déviant prend ses distances avec la société et les normes de cette société, et il se rapproche de ceux qui appartiennent à son groupe, et il va adopter le comportement du groupe pour ne pas être considéré comme un déviant du groupe.

Il est peu question de la responsabilité des acteurs, mais l'individu a le choix d'entrer ou non dans une carrière de déviant.

DEUXIEME PARTIE : LA CRISE DES INSTITUTIONS ?

En sociologie, les institutions sont les organes de transmission des normes, des règles, des valeurs, sachant que ces normes, règles et valeurs doivent être respectées par les générations qui se succèdent. Les institutions ont donc, pour les sociologues, un rôle de socialisation des individus, et les institutions contrôlent le comportement des individus pour que la vie en société soit possible. Dans la société contemporaine, les institutions ne parviennent plus soit-disant à jouer leur rôle ou alors elles jouent moins bien leur rôle qu'auparavant.

Depuis le milieu des années 1960 - début des années 1970, les institutions dans les sociétés occidentales deviendraient problématiques. Or la conséquence principale d'un mauvais fonctionnement des institutions est la fragilisation du lien social, et donc la difficulté d'intégrer correctement les individus dans la société.

1. La famille

Le premier grand changement concernant la famille en France est relatif aux mariages : jusqu'en 1972 (qui est l'âge d'or du mariage), le nombre de mariages a augmenté d'années en années pour arriver à 417 000 mariages, et à partir de 1973 on assiste à une baisse régulière du nombre de mariage (avec quelques exceptions, dans les années 2000 par exemple), et en 2006 le nombre de mariages atteint seulement 274 400.

A partir du moment où le nombre de mariages a diminué on a pris conscience que les représentations du couple étaient dans une phase de transformation : à partir du milieu des années 1970 en France comme dans toutes les sociétés occidentales le mariage cesse d'être la seule forme de mise en couple.

On commence aussi à divorcer un peu plus et c'est à partir de 1965 que l'accroissement du taux de divorce commence à être sensible. Entre 1950 et 1964 un mariage sur 10 en France se terminait par un divorce, alors qu'aujourd'hui 40% des mariages se terminent par un divorce. Depuis 1995 le nombre de divorces se stabilise.

Les représentations que l'on a du divorce ont changé puisque dorénavant le divorce n'est plus perçu comme une exception à un principe, il est la plupart du temps considéré comme un remède à un mariage ressenti comme une contrainte. Le divorce est devenu une péripétie. Le nombre croissant de divorces ont inquiété beaucoup les pouvoirs publics et on accuse souvent les couples de ne pas être capables de surmonter les crises. Or dans la réalité les choses sont plus complexes que cela puisque ce que l'on oublie de dire est qu'à l'époque où le divorce était réprouvé voire interdit, de nombreux mariages étaient des unions malheureuses voire catastrophiques.

Après les mariages et les divorces, on remarque au niveau des naissances une baisse du taux de fécondité. Entre 1945 et 1975 (30 glorieuses), le nombre moyen d'enfants par femme était de 3. Ce taux de fécondité va diminuer progressivement, régulièrement, pour atteindre au milieu des années 1990 à 1,7.  Mais la grande satisfaction de la France depuis les années 2000 est que le taux de fécondité de la France augmente de nouveau, et on en arrive aujourd'hui à 2 enfants par femme en moyenne. Pour l'Europe la moyenne est de 1,52. En ce qui concerne la fécondité la France est le premier européen, c'est le seul pays européen où il y a un renouvellement générationnel.

1.1. Des fonctions remises en question

Traditionnellement, la famille remplit trois fonctions importantes : une fonction de reproduction, une fonction de production et une fonction de socialisation, et aucune de ces trois fonctions n'a été épargnée par le changement, la modernité, et selon certains le développement de l'état providence a limité les fonctions remplies par la famille.

La fonction de reproduction, affectée par la crise de la natalité, qui accompagne d'une certaine manière le développement économique. Or cette fonction de reproduction de la famille est considérée comme le fondement de l'institution familiale, et comme la condition de son renouvellement. Pour cette raison, lorsque les naissances sont de moins en moins nombreuses, les inquiétudes quant à l'institution sont grandes, d'autant plus que l'espérance de vie augmente, et donc l'autre inquiétude porte sur la pyramide des âges, et évidemment la société de personnes âgées qui va sans doute poser des problèmes dans les sociétés occidentales. Ce que l'on peut dire pour l'instant c'est que la France semble moins touchée dans cette fonction que les autres pays européens.

Si la fonction de reproduction de la famille est en train de changer, les causes sont diverses mais ce qui est montré du doigt ce sont :
le travail des femmes, qui a eu des conséquences importantes sur l'institution familiale, et bien souvent, trop souvent et trop facilement, on a établi un lien de causalité direct entre absence de troisième enfant et travail féminin. Il y a effectivement une corrélation entre les deux, mais il n'y a pas de causalité aussi directe que cela.
le développement des techniques de la maîtrise de la fécondité : fécondation et avortement. Il s'agit d'une véritable révolution puisque ces techniques ont acquis une légitimité qui leur était autrefois refusée, et la loi Weil de 1975 sur l'avortement qui a joué un rôle crucial puisqu'elle a légalisé une pratique qui était déjà existante. Mais cette loi a permis une déculpabilisation déterminante pour la liberté des femmes. Elle a permis notamment de transformer les mentalités et la représentation de la place des femmes dans la société.

La fonction de production de la famille est aussi remise en question, puisque le domaine économique, qui était d'abord un domaine domestique, est sorti progressivement du cadre familial pour entrer dans une autre sphère à part, et on a vu, avec la révolution industrielle et post-industrielle, le rôle de la famille s'inverser dans ce domaine-là : cette fonction de production occupée par la famille a été remplacée par une fonction de consommation. Les relations entre l'économie et l'institution familiale ont donc changé, ce qui a pour conséquence de transformer la place occupée par les enfants : lorsque la famille avait fonction de production, les enfants supplémentaires devenaient une main d'oeuvre potentielle, alors que la famille est une unité de consommation, les enfants sont entre autre une charge financière supplémentaire.

La troisième fonction, qui est très discutée, est la fonction de socialisation. Le rôle de l'Etat dans la socialisation des enfants est accru, notamment avec l'école, ce qui veut dire que l'éducation de leurs enfants est assurée par une institution collective, et plus on avance dans le temps, plus l'éducation est prise en charge par différents acteurs, ce qui fait que le couple, les parents, reçoivent en permanence des instructions de plus en plus nombreuses, dans le domaine de la santé des enfants, dans le domaine de la scolarité des enfants, dans le domaine de la psychologie des enfants, dans le domaine des loisirs des enfants : l'enfant est soit-disant soustrait à l'influence familiale, et les parents reçoivent des conseils d'hygiène, d'alimentation, de soin, et s'ils ne suivent pas les conseils donnés, ils sont souvent culpabilisés, stigmatisés. Dès que les enfants ont des problèmes comportementaux, d'échec scolaire, bizarrement les causes des problèmes reviennent à la famille et non pas aux différents acteurs qui interviennent dans la socialisation.

Le deuxième problème par rapport à la socialisation est que le rôle de transmission des normes, des savoirs, des parents aux enfants, ce rôle est également menacé soit-disant parce que les découvertes, les innovations, et la rapidité des changements font que les parents ne parviennent plus à jouer leur rôle de transmetteur du savoir.

L'enfant a changé de place au sein de la famille : il devait auparavant obéissance à l'adulte, aujourd'hui ce devoir d'obéissance n'est plus aussi systématique, et l'enfant dorénavant est considéré comme un individu à part entière (et non pas un adulte miniature), ayant des besoins spécifique. L'autorité familiale n'est plus réservée à l'institution familiale, et la concurrence ou la complémentarité des institutions de socialisation multiplient les repères des enfants, jusqu'à parfois égarer l'enfant par rapport à ces repères.

0n ne peut pas réfléchir aujourd'hui à l'institution familialen on ne peut pas mener de réflexion si l'on ne prend pas en compte les relations que cette institution entretient avec d'autres institutions (école, médecine, droit, travail).
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