Histoire des institutions 17/01/08

 

II. Les apports théoriques du XVIIème siècle

 

Le XVIIème siècle voit se poursuivre les efforts des juristes pour organiser la souveraineté monarchique, définir en complétant le travail de Bodin les formes nouvelles, de quoi recouvrir l’absolutisme. Guy Coquille écrit un traité (Institution au droit des François) qui est publié en 1707. Dans son ouvrage il réfute de façon catégorique l’intérêt d’un régime mixte, et refuse l’idée d’une monarchie tempérée. Dans ce travail de réflexion on trouve une formule : « le roi est le monarque et n’a point de compagnon en sa majesté royale ». La souveraineté est donc toute entière dans la personne du roi. D’autres auteurs viennent s’ajouter : le juriste Loyseau qui écrit un « traité des seigneuries » et qui s’inscrit lui aussi dans la logique de Bodin. Enfin un dernier auteur incontournable est Bossuet, évêque de Maux, qui écrit un ouvrage intitulé « politique tirée des propres paroles de l’écriture sainte ». Pour Bossuet la monarchie est un pouvoir indépendant, c’est à dire que les rois ne doivent rendre des comptes qu’à Dieu. C’est cette conception de la monarchie qui justifie de façon définitive l’indépendance des rois. Pour Bossuet, comme l’autorité royale vient de Dieu, le roi est sacré, sa personne est sacrée. Dans le même ordre d’idée puisque l’autorité royale vient de Dieu le roi ne peut pas faire mal, il ne peut pas mal agir, puisqu’il agit au nom de Dieu et selon la volonté divine. En aucun cas le roi n’a à demander l’approbation à qui que ce soit, à quelque institution que ce soit. Le roi gouverne donc selon son bon vouloir. Pour Bossuet, tout l’Etat est en lui, en le roi : le roi incarne le pouvoir, il incarne l’Etat.

 

En toute logique avec son raisonnement Bossuet estime que la monarchie est le régime naturel des hommes, et cette monarchie ne peut être qu’absolue parce qu’elle est de droit divin. Cette conception développée par Bossuet impose donc la concentration dans les mains du roi de tous les pouvoirs. Cette concentration de l’ensemble des pouvoirs dans les mains du roi ne doit cependant pas laisser la place à l’arbitraire et à la tyrannie, et dans son ouvrage Bossuet évoque les limites pour éviter cet arbitraire et cette tyrannie. Ces limites évoquées par Bossuet sont de deux natures : il y a tout d’abord selon Bossuet des prescriptions morales chrétiennes qui s’expriment dès le jour du sacre (le roi s’engage par la voie du serment à respecter les lois de Dieu et de la nature). Ce sont des prescriptions qui ne sont pas nouvelles (dans la littérature du moyen âge on les retrouve). On retrouve également les lois fondamentales du royaume, qui permettent de fixer sous la forme d’une constitution « coutumière » le statut du monarque et le statut de la couronne. Bossuet ajoute donc un caractère sacré, de droit divin, à la théorie absolutiste, qui vient s’ajouter aux propositions scientifiques, argumentées, de Jean Bodin.

 

Lorsque Bossuet écrit, à la fin du XVIIème siècle, on a de façon définitive formulé ce que doit être, de façon théorique, l’absolutisme.

 

Section 2 : Le statut du monarque

 

On va retrouver ici la traduction institutionnelle, juridique, d’une monarchie absolue de droit divin.

 

I. Le sens du sacre

 

Contrairement au moyen âge, le sacre pour la période moderne n’apparaît plus comme incontournable par sa portée juridique. En effet comme l’exprime Jean Bodin « le roi ne laisse d’être le roi sans le couronnement, sans la consécration, qui ne sont pas de l’essence de la souveraineté ». On retrouve ici l’adage juridique formulé par les juristes, qui finit par prendre une valeur constitutionnelle : « le roi ne meurt pas en France ». Cette conception permet d’assurer la pérennité du pouvoir royal, sa continuité. Un pouvoir royal qui doit être exercé sans interruption, même quand le souverain meurt physiquement. Avec cette conception, on voit apparaître que la continuité du pouvoir royal traduit dans les faits la continuité de l’Etat. C’est pour cette raison que même en cas de disparition physique du souverain et sans aucune forme d’investiture le pouvoir doit passer sans transition, immédiatement, à son successeur : c’est le principe d’instantanéité de la succession. En raison de ce principe, depuis le XVème siècle notamment, la valeur juridique du sacre décline.

 

Toutefois, cette cérémonie du sacre permet, lorsque le roi prend les engagements que lui impose la cérémonie, de protéger les Eglises, de faire régner la paix, de lutter encore contre les injustices, mais également de renforcer son pouvoir, parce que désormais plus rien ne peut s’opposer à l’exécution des obligations contractées lors de la cérémonie. Malgré la perte de vitesse de la cérémonie, ponctuellement le sacre va permettre de légitimer la lignée des rois, le sang des rois, c’est notamment le cas à la mort d’Henri III en 1589, après la crise de succession qui suit son assassinat, le sacre permettant à Henri IV de devenir réellement légitime. Le sacre renouvelle ici la permission donnée par Dieu à la nouvelle branche dynastique de recevoir la succession royale, d’être saisi par la succession royale.

 

La cérémonie du sacre se déroule toujours dans la cathédrale de Reims, à une seule exception (pour la période qui nous intéresse), qui concerne justement Henri IV qui se fait sacrer à Chartres parce que Reims est aux mains de la ligue. La cérémonie se déroule toujours sur le même rythme, à l’exception de quelques principes nouveaux qui se contentent d’enrichir la cérémonie ou de la modifier légèrement. A partir de 1561, avec le sacre de Charles IX, la cérémonie comporte le rituel du roi dormant : au début de la cérémonie le roi est figuré comme dormant, il se réveille comme le soleil levant qui se relève toujours après sa mort. Ce rituel traduit la continuité de l’Etat, continuité du pouvoir au-delà des personnes physiques. La cérémonie se poursuit ensuite par la prestation des serments, avec en premier lieu le serment religieux, le serment ecclésiastique, par lequel le roi s’engage à faire respecter les privilèges canoniques de l’Eglise de France. Il s’engage également à faire bonne justice aux clercs, à leur donner de bonnes lois, et à défendre l’Eglise. Après ce premier serment, l’assemblée, le peuple présent, prononcent des formules d’adhésion, qui deviennent rituelles (« vive le roi pour l’éternité » répété trois fois…). Cette acclamation « populaire » traduit le principe de l’élection du souverain par ses sujets. C’est l’allusion du peuple au nouveau souverain. Cela nous renvoie directement ici à la tradition franque. La troisième étape du sacre est le serment du royaume, par lequel le roi s’engage à préserver la paix et à protéger les sujets. La quatrième étape dans la cérémonie est la pratique des onctions. L’utilisation des huiles saintes, de la sainte ampoule, fait du roi de France véritablement le médiateur de Dieu sur terre, le premier des évêques du royaume. Après les onctions, on passe au doigt du roi un anneau qui symbolise le mariage du roi de France avec ses sujets. Le roi reçoit ensuite les symboles de la monarchie et de la souveraineté : la couronne tout d’abord, la main de justice, le sceptre, tout ce qui traduit sa souveraineté et les pouvoirs engendrés par cette souveraineté. A l’issue de cette cérémonie le roi se transforme en roi thaumaturge. Une citation de Louis XIV permet de conclure sur cette cérémonie du sacre : « le sacre, encore qu’il ne nous donne pas la royauté, la rend plus auguste, plus inviolable, et plus sainte ».

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