Institutions politiques 23/01/08

Deux conséquences résultent de cette crise :

-         Le régime parlementaire sera moniste et non pas dualiste, c’est à dire que le président du conseil n’est pas responsable devant le président de la république.

-      Le droit de dissolution va être considéré comme une arme anti-républicaine, en raison même de sa première et unique utilisation : elle a été utilisée contre une chambre des députés à majorité républicaine. A partir du moment où les républicains deviennent majoritaires au sein de la IIIème république, le droit de dissolution va tomber en désuétude, il ne sera plus utilisé. Sous la troisième république il n’a donc pas été la contrepartie dissuasive de la responsabilité gouvernementale. Il n’a pas pu contribuer à assurer l ‘équilibre entre le législatif et l’exécutif, comme c’est sa fonction. On comprend mieux pourquoi la troisième république a connu l’instabilité gouvernementale.

 

3.2.2.2. L’absence de procédure de mise en jeu de la responsabilité gouvernementale

 

L’article 6 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875 se contente de poser le principe de la responsabilité gouvernementale : il n’existe pas de procédure qui aurait permis d’encadrer et par là même de limiter la mise en jeu de la responsabilité du gouvernement. Les modalités de cette mise en œuvre seront déterminés par le règlement intérieur des assemblées et par la pratique : chaque assemblée a un règlement intérieur qui fixe son organisation et ses conditions de fonctionnement. Ces modalités seront aussi fixées par la pratique. Mais l’absence de procédure a entraîné une mise en œuvre inconsidérée, irréfléchie, de cette responsabilité gouvernementale. On a là une autre cause de l’instabilité gouvernementale.

 

                3.2.2.3. Le jeu des partis politiques

 

Le mode de scrutin qui est en vigueur pour la chambre des députés, scrutin majoritaire à deux tours, n’a pas permis sous la troisième république de dégager des majorités parlementaires homogènes. Au sein même des chambres les partis politiques représentés sont assez nombreux (jusqu’à 16 partis politiques représentés), et ce sont des majorités de coalition qui se forment, de manière à pouvoir en suite constituer un gouvernement. Mais ces majorités de coalition, ne sont pas durables, restent souvent fragiles, et se révèlent donc incapables de soutenir durablement un gouvernement. On peut dire que le multipartisme n’est pas structuré sous la troisième république.

 

Il faut dire que la culture et le contexte politique sont un peu particuliers : on peut croire que les parlementaires font preuve d’une certaine irresponsabilité, on peut avoir ce sentiment que pour un certain nombre d’entre eux la politique est un jeu, et que les crises gouvernementales ne sont que des aléas de ce jeu. Il faut savoir que pour un parlementaire, contribuer à ce qu’un gouvernement soit renversé, c’est la possibilité de devenir à son tour ministre. Il faut aussi comprendre le contexte politique : l’instabilité n’est peut être pas aussi gênante qu’elle le serait aujourd’hui, tout simplement parce que « les temps vont moins vite » : les sociétés politiques, les Etats, restent relativement repliés sur eux-mêmes. Il n’y a donc pas de conséquences majeures à l’instabilité.

 

2.2. La quatrième république

 

Une assemblée constituante est élue le 21 octobre 1945, pour élaborer un projet de constitution, projet rejeté par référendum le 5 mai 1946. C’est donc une nouvelle assemblée constituante qui a été élue le 2 juin 1946, et le second référendum se conclut par l’adoption d’une constitution, celle de la quatrième république, promulguée le 27 octobre 1946.

 

Les constituants de 1946 ont tenté de rationaliser le régime parlementaire, c’est à dire qu’ils ont tenté de corriger ses dysfonctionnements, forts de l’expérience de la IIIème république. En particulier ils vont encadrer la mise en jeu de la responsabilité gouvernementale, et ils vont en partie réhabiliter le droit de dissolution.

 

2.2.1. La mise en jeu de la responsabilité gouvernementale

 

Selon la constitution de 1946 la responsabilité gouvernementale n’existe plus que devant l’assemblée nationale, et pas devant le conseil de la république (ancien Sénat de la troisième république). Il existe deux procédures.

 

La première est celle de la question de confiance. C’est la procédure par laquelle le gouvernement demande à l’assemblée nationale de lui témoigner sa confiance, par un vote. C’est une manière de vérifier que le gouvernement dispose d’une majorité à l’assemblée nationale. L’article 45 prévoit que la question de confiance est obligatoire au moment de la formation du gouvernement. Le gouvernement, choisit par le président de la république, doit être investit devant l’assemblée pour pouvoir être officiellement nommé (procédure d’investiture). L’article 49 quant à lui laisse libre le gouvernement de poser la question de confiance à tout moment. Un élément important de la procédure est le fait que la confiance est refusée à la majorité absolue des membres de l’assemblée nationale. Dans ce cas le gouvernement doit démissionner.

 

L’autre procédure qui est prévue quant à la mise en jeu de la responsabilité gouvernementale est la motion de censure. C’est ici l’assemblée nationale qui met en cause la responsabilité politique du gouvernement. La motion de censure est adoptée à la majorité absolue des membres composant l’assemblée nationale.

 

Cette condition n’a pas été suffisante pour lutter contre l’instabilité gouvernementale. En pratique en effet on constate d’abord qu’aucune motion de censure n’a conduit au renversement d’un gouvernement, parce que cela n’était pas nécessaire pour obtenir le départ d’un gouvernement. En effet pour obtenir le départ d’un gouvernement il suffisait très généralement de le mettre en minorité sur le vote d’une loi ou sur le vote du budget (qui est une loi de finance). Dans ce cas de figure soit le gouvernement démissionnait « d’office », parce qu’il prenait confiance qu’il n’avait plus de majorité, soit il posait la question de confiance, pour s’assurer qu’il disposait encore d’une majorité. Dans ce dernier cas, lorsque le gouvernement posait la question de confiance, il suffisait là aussi de refuser la confiance à la majorité relative (la majorité des votants) pour que le gouvernement démissionne (alors qu’il n’en était pas juridiquement obligé, puisqu’il n’y est obligé qu’en cas de majorité absolue. Mais rester était inutile, puisque sans avoir une majorité relative un gouvernement ne peut plus faire passer aucune loi.).

 

On notera au passage que les parlementaires évitaient soigneusement de provoquer une crise ministérielle par un vote à la majorité absolue. Cela pouvait en effet déclencher la dissolution de l’assemblée nationale.

 

2.2.2. Le droit de dissolution

 

Il est prévu aux articles 51 et 52 de la constitution de 1946. Les constituants ont voulu réhabiliter ce droit de dissolution, parce qu’ils ont conscience qu’il est nécessaire pour éviter l’instabilité gouvernementale. En même temps les constituants restent relativement méfiants et ne vont pas aller au bout de cette logique de réhabilitation. Ils prévoient une procédure tellement restrictive que la dissolution sera quasiment impraticable sous la quatrième république, et ne permettra pas de lutter contre l’instabilité.

 

La dissolution est comprise, dans une logique très parlementaire, comme le moyen de sanctionner une assemblée nationale qui se révèle incapable de mener une politique durablement, et donc de soutenir un gouvernement durablement. A partir de là la constitution prévoit que pendant les 18 premiers mois de la législature (qui est de 5 ans) la dissolution ne peut pas être prononcée. Pendant ce temps on considère qu’il est normal que les parlementaires tentent différentes coalitions, de manière à parvenir à une coalition homogène et enfin durable. On disait alors que la majorité « se cherche ».

 

Pendant les 18 mois suivants la constitution autorise la dissolution dès lors que deux crises gouvernementales sont survenues dans les conditions prévues aux articles 49 (question de confiance) et 50 (motion de censure). En pratique ces conditions ont été réunies une seule fois sous la quatrième république, en 1955, et le président du conseil Edgar Faure ne va pas laisser passer l’occasion de demander au président de la république de prendre un arrêt de dissolution.

 

Les parlementaires ont réussi à déjouer cet effort de rationalisation, et la situation décriée sous la troisième république va réapparaître : 25 gouvernements en 12 ans (on peut retirer le gouvernement de Léon Blum qui était un gouvernement provisoire, et ceux qui n’ont pas reçu l’investiture mais ont seulement été désignés par le président, ce qui nous laisse à 20 gouvernements en 12 ans). La durée de vie moyenne d’un gouvernement est donc de 7,2 mois.

 

Ce qu’il faut mesurer ce sont les conséquences de l’instabilité gouvernementale. Elle rend impossible toute politique sur le long terme, et entraîne la faiblesse de l’Etat et de son autorité. Le drame de l’instabilité c’est bien qu’il n’y a pas de politique durable possible.

 

On peut avoir une impression première de toute puissance du parlement puisque sous la quatrième république c’est lui qui décide de la politique de la nation, et non l’exécutif. On a parlé à ce propos de souveraineté parlementaire. Mais il faut bien sûr aller au-delà : cette puissance apparente confine en réalité à l’impuissance, à l’immobilisme, parce que l’assemblée nationale est incapable d’inscrire une politique dans la durée.

 

Le système politique a pu s’accommoder de cette constitution tant qu’aucune crise grave n’est survenue. Mais à partir de 1954, la France va s’enfoncer progressivement dans ce qu’on a commencé par appeler la crise algérienne, et qu’on a fini par appeler la guerre d’Algérie. Face à la situation, le pouvoir est incapable d’une volonté politique qui soit à la hauteur des événements : pour embrasser et régler un tel problème il fallait s’inscrire dans la durée. C’est le pourrissement de cette situation qui va entraîner la fin de la quatrième république. Un autre raisonnement peut aussi être nuancé : on a tendance à dire que c’est la constitution de 1946 qui était mauvaise, ses institutions. Une dimension très importante est à prendre en compte cependant : les institutions, ce ne sont finalement jamais que ce que les hommes en font. Ce sont les hommes qui vont déterminer l’orientation des organisations institutionnelles.

 

Chapitre 2 : La loi constitutionnelle du 3 juin 1958 : le passage d’une république à une autre

 

Cette loi constitutionnelle peut être analysée comme l’acte fondateur de la cinquième république, puisque si elle est en elle-même une révision de la constitution de 1946, elle a permis au général De Gaule d’élaborer une nouvelle constitution, qui sera celle de la cinquième république.

 

1. Le contexte historique

 

A l’instabilité gouvernementale s’ajoute l’absence de cohésion gouvernementale. Les présidents successifs du conseil n’ont pas réussi à imposer une ligne d’action à l’ensemble des ministres. Les ministres ont en effet tendance à se comporter comme les représentants de leur parti politique au gouvernement, au lieu de se comporter comme les membres d’une équipe collégiale et solidaire qui agissent pour la réalisation d’une politique gouvernementale. A terme c’est l’efficacité de la politique gouvernementale qui est mise en cause : un gouvernement est sensé avoir une politique, fixée par la majorité de l’assemblée nationale et que le président du conseil est sensé diriger, et les ministres sont sensés s’y conformer.

 

La meilleure illustration de cela est l’affaire Sakhiet-Sidi-Youssef : il s’agit d’un village tunisien à la frontière de l’Algérie, que l’on soupçonnait d’abriter des combattants du FLN (front de libération nationale, mouvement indépendantiste algérien). L’aviation française va bombarder ce village, alors même que le président du conseil n’a pas donné son autorisation, parce qu’elle se croyait soutenu par le ministre résidant en Algérie (Robert Lacoste, sensé représenter le gouvernement français). C’est donc une illustration de l’absence de cohésion gouvernementale. Les 70 morts civils de cette opération vont indigner l’opinion publique internationale. La France est mise en cause à l’ONU, sur la question des droits de l’homme.

 

Jusque là la France avait opposé un principe de droit international, celui de non ingérence dans les affaires intérieures (l’Algérie étant française, la question algérienne ne regarde que les français) : avec ce bombardement du 11 janvier 1958 cela n’est plus possible, et les Etats-Unis veulent internationaliser le conflit (ils veulent que soit mise en place une médiation internationale pour aboutir à un règlement pacifique du conflit). La France, compte tenu de la situation politique, est contrainte d’accepter cette internationalisation. Le président de la république fait appel à Pierre Pfimlin, à la tête du conseil des ministres en remplacement de Félix Gaillard, tombé des suites de l’affaire de Sakhiet-Sidi-Youssef. , et ce nouveau président du conseil annonce le temps des pourparlers avec le FLN.

 

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