Sociologie 14/01/08

Introduction



Définition très simple de la sociologie : il s’agit de la science de la société, c’est à dire que l’objectif de cette discipline scientifique est d’analyser le fonctionnement de la société, et donc ses dysfonctionnements, et analyser les évolutions de la société. Il faut tenter d’expliquer les phénomènes sociaux, l’activité sociale, et tenter, avec une méthode scientifique, de comprendre ces phénomènes ou cette activité. Le problème de la sociologie est que nous avons tous une opinion sur la société, des avis à donner, et on peut faire des liens de cause à effet entre des phénomènes (les violences urbaines sont dues au manque d’autorité des familles…), mais le sociologue, s’il se positionne en tant que véritable scientifique, n’a pas le droit de faire des liens entre les phénomènes sans être capable de les démontrer.

 

 

 

La sociologie est la dernière née parmi les sciences, elle a eu du mal à s’imposer. Le XVIIIème siècle voit naître dans le monde occidental une interrogation sur les fondements de la société. Montesquieu (1689-1755), dans l’esprit des lois (1748), commence à faire une analyse de ce qui détermine l’action humaine, et insiste sur les aspects démographiques des sociétés, sur la religion, le commerce, et le climat. Avec Montesquieu apparaît l’idée que certains phénomènes sociaux peuvent être expliqués par la raison et non par les croyances, et à partir de Montesquieu l’idée qu’une science de l’homme est possible commence à faire son chemin. A partir de la fin du XVIIIème siècle vont avoir lieu deux révolutions : la révolution française et la révolution industrielle, et avec elles apparaissent de nouvelles questions que se posent les politiques et les intellectuels, notamment comment expliquer les nouveaux problèmes qui se posent à la société, comment cette nouvelle société va pouvoir fonctionner, et surtout sur quoi doit se fonder l’ordre social.

 

 

 

Avec la révolution française c’est l’effondrement de l’Ancien Régime et l’édifice sur lequel reposait la monarchie est remis en cause, notamment la division de la société en ordres. La place primordiale de la religion est aussi mise en question. Les fondements de la légitimité politique sont bouleversés, et il faut repenser l’ordre politique, reconstruire cet ordre politique, en accordant une place éminente à l’individu.

 

 

 

La révolution industrielle quant à elle entraîne des transformations économiques, mais aussi des transformations sociales, et ces transformations concernent cette fois toutes les sociétés européennes. Elles se traduisent par une mutation profonde des conditions de vie des populations, et parmi les mutations on notera l’exode rural massif (qui va donner naissance aux villes industrielles) et l’apparition et le développement de la classe ouvrière.

 

 

 

A partir du XIXème siècle on va voir apparaître plusieurs traditions intellectuelles qui vont profondément influencer plus tard la sociologie. Parmi les principales on notera le conservatisme, le libéralisme et le socialisme. Ces trois traditions intellectuelle sont les trois grandes idéologies du XIXème siècle, et le point commun à toutes ces idéologies est que chacune d’entre elles tente, de manière non scientifique, de trouver des solutions aux différents problèmes que posent la modernité.

 

 

 

Le conservatisme : les intellectuels sont bouleversés par les bouleversements et vont insister sur les méfaits engendrés par le bouleversement de l’ordre social, et ils s’opposent violemment aux révolutionnaires, ils veulent rétablir l’ordre, le plus vite possible, revenir à la tradition, pour que la société fonctionne « normalement », pour sortir du chaos, et le seul moyen pour cela est de rétablir la monarchie. Parmi ces conservateurs on trouve Joseph de Mestres (1753-1821), Louis de Bonald (1754-1840). Le sociologue Frédéric le Play (1806-1882) va être fortement influencé par ces conservateurs. La conclusion de son analyse sur la classe ouvrière en Europe est de dire qu’il faut revaloriser certaines institutions, qui permettent de cadrer et de structurer les individus, pour pouvoir se sortir des problèmes sociaux. Certaines institutions importantes doivent être rétablies : le village et la famille.

 

 

 

Le libéralisme : ceux qui s’inscrivent dans ce courant libéral pensent que la liberté individuelle est une bonne chose, que le libéralisme est une bonne chose. Mais pour accompagner le changement il faut des réformes prudentes et pas une révolution : la révolution française et la révolution industrielle marquent le début d’une nouvelle époque. Parmi les représentants de ce courant ont trouve Tocqueville, qui montre que les grandes évolutions qu’on a l’habitude d’attribuer à la révolution, notamment la centralisation administrative, proviennent en grande partie de l’Ancien Régime, qui a préparé et qui a rendu possible les mutations que l’on observe à partir du XIXème siècle. Tocqueville ajoute qu’on ne peut pas revenir en arrière, et donc on ne peut pas raisonnablement s’opposer à la démocratie, parce que c’est une évolution historique inéluctable.

 

 

 

Le socialisme : le courant se propage en Europe à partir du XIXème siècle. Pour les socialistes la révolution est une bonne chose, il faut donc l’accepter, c’est une étape nécessaire dans l’histoire de l’humanité. Par contre pour les socialistes la révolution industrielle a des conséquences néfastes sur la condition ouvrière. Parmi ces socialistes on trouve Proudhon, Marx, Saint Simon… Ces socialistes vont faire une critique très sévère du système capitaliste et des gens comme Proudhon vont considérer que la propriété privée est une source d’inégalité entre les individus, et vont prôner l’autogestion.

 

 

 

A côté de ces idéologues on a des personnes qui essayent de dépasser ces idéologies et qui sont d’accord avec l’idée qu’il faut comprendre la nouvelle société, mais pensent que pour la comprendre il faut se doter d’une méthode scientifique : observation, hypothèse, expérimentation, analyse. La sociologie se veut être une discipline scientifique, en respectant certains principes, parmi lesquels on trouve la recherche de la causalité (et c’est là qu’on se distingue des idéologues), c’est à dire que tout phénomène a une cause et cette cause est située dans le monde réel, et pour mettre en évidence le lien de causalité il faut apporter la preuve de ce que l’on démontre, il faut que le lien de cause à effet soit suffisamment clair pour qu’on puisse le comprendre. Le sociologue doit être capable de démontrer les liens, la relation de causalité, entre deux phénomènes sociaux : un exemple : si on dit que l’échec scolaire est lié à l’intelligence de l’individu, il ne s’agit pas d’un phénomène sociologique (peut-être plutôt de psychologie), alors que le fait que l’échec scolaire soit lié au fonctionnement du système scolaire est une affirmation d’ordre sociologique.

 

 

 

L’observation des phénomènes que l’on étudie doit se faire de manière objective, c’est à dire qu’il faut neutraliser les variations individuelles, et mettre de la distance entre le scientifique et le phénomène étudié, et donc avoir recours à des instruments de mesure (et c’est là qu’en sociologie il y a des problèmes). En tout cas les résultats de la démarche scientifique sont indépendants des personnes qui la mettent en œuvre, c’est à dire que plusieurs scientifiques étudiant le même phénomène doivent aboutir aux mêmes résultats si les principes de l’objectivité sont respectés.

 

 


PARTIE 1 : GENESE DE LA SOCIOLOGIE

 

 

 
I. Les précurseurs
 

 

 

Ces précurseurs ne sont pas reconnus aujourd’hui comme sociologues mais ils ont fortement contribué à la naissance de la discipline parce qu’ils voulaient comprendre le sens des changements, des bouleversements, des mutations, et vont tenter de présenter des méthodes pour mieux comprendre les évolutions sans parvenir à trouver la méthode scientifique.

 

 

 

1)     Auguste Comte (1798-1857)

 

 

 

Auguste Comte est le premier en France à soutenir l’idée selon laquelle la création d’une nouvelle science sociale est absolument nécessaire pour comprendre la société. Auguste Comte est le père du positivisme, et selon lui la seule connaissance est celle des faits et de l’expérience scientifique, c’est à dire que selon lui toute acquisition de connaissance doit se réaliser à partir de l’observation des faits (et non pas des croyances), et à partir de cette observation on peut en déduire l’élaboration d’une théorie. Auguste Comte s’oppose à son époque aux défenseurs de la philosophie spéculative, c’est à dire ceux qui énoncent des propositions sans les avoir préalablement confrontées aux faits.

 

 

 

D’après Auguste Comte il faut une nouvelle science et cette nouvelle science c’est la sociologie (c’est lui qui invente le terme), et la sociologie est d’abord et avant tout une science d’observation, qui se divise en deux grands domaines : la statique sociale (étude de ce qui détermine l’ordre dans la société, et tout ce qui a un lien avec la cohésion sociale) et la dynamique sociale (étude des progrès et des évolutions de l’esprit humain, et étude des lois de développement de la société humaine.

 

 

 

Mais Auguste Comte ne va pas s’intéresser à la statique sociale, simplement à la dynamique sociale. En l’étudiant il va énoncer ce que l’on appelle la loi de l’évolution intellectuelle de l’humanité ou la loi des trois états : la pensée humaine est passée par trois grands états depuis les débuts de l’humanité :

 

 

 

-         D’abord l’état théologique ou l’état fictif, dans lequel l’esprit humain se représente les phénomènes qui se produisent dans le monde comme produits d’agents surnaturels.

 

-         Progressivement on passe à l’état métaphysique ou abstrait, intermédiaire, dans lequel les agents surnaturels sont remplacés par des entités abstraites et parmi elles les valeurs de la république (liberté égalité fraternité), la raison, l’individu…

 

-         Pour terminer le troisième état : l’état positif ou scientifique dans lequel on explique les évolutions et les changements, en s’appuyant sur un raisonnement scientifique et sur l’observation. Selon Comte l’état positif est un état définitif et stable dans l’évolution de l’esprit humain.

 

 

 

Ce qui intéressent les sociologues, c’est que Comte a tenté d’expliquer l’évolution de la société en montrant l’évolution de l’esprit humain. Il est de ce point de vue là classé parmi les évolutionnistes, et il considère que l’humanité suit une évolution linéaire (ce qui est très discutable), sachant que plus on avance, plus on progresse.

 
 

2)     Karl Marx (1818-1883)

 

 

 

Karl Marx est un économiste, un philosophe, un historien, un homme politique, idéologue, et aussi sociologue ou précurseur de la sociologie. On ne peut donc pas l’enfermer dans une discipline scientifique.

 

 

 

Durant sa vie Marx va poursuivre deux grands objectifs : le premier l’analyse scientifique du monde, du fonctionnement de l’économie, de la société, et à partir de ces analyses on pourra découvrir des lois sociales et économiques. Le deuxième objectif est la transformation du monde : pour cela il faut rejoindre le peuple, les masses, entrer dans le militantisme politique, et agir, mener des actions révolutionnaires, puisque selon Marx seul le travail politique permettra de transformer le monde et de réaliser la justice sociale, parce que selon lui la philosophie, le droit et la religion n’y parviennent pas.


Marx est un défenseur du déterminisme économique, c’est à dire que selon lui les lois de fonctionnement de la société sont déterminées par l’économie, et donc pour comprendre le fonctionnement des sociétés il faut analyser ce qui caractérise le mode de production capitaliste. La société capitaliste se définit par une certaine organisation de la production, par un certain agencement des acteurs économiques, et par un type d’opposition entre classes sociales. Le mode de production capitaliste n’est pas une structure éternelle et elle n’est pas arrivée dans le monde occidental par hasard, il y a donc des lois d’évolution du mode de production capitaliste, et pour étudier ces lois d’évolution Marx va étudier l’économie de l’Angleterre. Dans les sociétés capitalistes il existe une grande division et les sociétés capitalistes sont donc des sociétés de classes, divisées en deux : d’un côté ceux qui sont propriétaires des moyens de production, les capitalistes ou les bourgeois, et de l’autre ceux qui vendent leur force de travail contre une rémunération (ouvriers ou prolétaires). Ces deux grandes classes défendent des intérêts divergents contradictoires. Or l’objectif de ces deux classes est de préserver, de sauvegarder ces intérêts, et pour cela elles sont amenées à s’affronter dans des conflits plus ou moins ouverts. C’est ce que Marx appelle la lutte des classes, et cette lutte des classes doit déboucher, selon Marx, sur la révolution prolétarienne, qui marquera le début de la dictature du prolétariat et cette dictature doit, à terme, céder la place à une société sans classes. La grande idée à retenir est donc que ce sont les conflits sociaux qui sont facteurs de changements et d’innovations, les conflits sont donc nécessaires dans une société, et l’idée sous-jacente chez Marx est de dire que les conflits sociaux ne provoquent pas de désordre social mais contribuent au développement de la société.

 
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