Institutions politiques 13/02/08

  1. La structuration de la vie politique en deux blocs (bipolarisation)

 

La vie politique s'est organisée en deux pôles, deux blocs. Les partis politiques se sont alliés : d'un côté le centre s'est allié à la droite, et d'un autre côté le parti socialiste s'est allié au parti communiste. On peut dire que la bipolarisation est en place à partir des élections législatives de 1978. Elle est la conséquence de l'application du scrutin majoritaire à la fois et surtout aux élections législatives et à la fois à l'élection du président de la république au suffrage universel direct.

 

L'élection présidentielle est devenue l'élection politique majeure, l'élection centrale de la vie politique française, puisque c'est le président qui a vocation à gouverner. Logiquement les partis politiques ont développé une stratégie de conquête de l'Elysée. Ils ont été dans cette stratégie confrontés à la règle du deuxième tour de l'élection présidentielle : seuls les deux premiers candidats du premier tour peuvent accéder au second tour, s'il y a un second tour. Il faut absolument donc que son candidat soit l'un de ces deux là. pour avoir une chance d'avoir un candidat au deuxième tour les partis politiques se sont alliés, ont conclu des accords, de désistement.

 

Pour les législatives, les alliances sont reconduites. La raison en est simple là aussi : pour que le président puisse gouverner, il faut lui donner une majorité parlementaire, il faut donc gagner les élections législatives.

 

Dans chaque camp, dans chaque pôle, l'un des partenaires s'est effondré au bénéfice de l'autre : à droite nous avions une alliance entre le RPR et l'UDF, et l'UDF s'est effondré à partir de 2002 (passant de 113 députés à 23), et il n'est donc plus condition ne jouer parts égales avec le RPR ; la situation à gauche est comparable : le PC a décliné progressivement à partir des années 80.

 

D/ Les modalités de l'élection présidentielle

 

Pour être candidat il faut avoir 23 ans et il faut bien entendu jouir remplir les conditions fixées à l'article 3 de la constitution : être français, ne pas être privé de ses droits civiques et politiques. 3 conditions doivent ensuite être satisfaites :

  • réunir le parrainage d'au moins 500 élus (les maires, les députés, les sénateurs, les conseillers généraux, les conseillers régionaux, les membres des assemblées des collectivités d'outre-mer... soit 47000 signatures à se partager).

  • ces parrainages doivent provenir d'au moins 30 départements différents

  • un maximum de 50 signatures peuvent provenir d'un seul département ou d'une seule collectivité d'outre-mer

 

Ce système n'est pas tout à fait efficace parce qu'il ne permet pas de limiter suffisamment le nombre de candidatures, et un nombre élevé de candidats peut perturber, fausser en définitive l'élection. En 2002, le grand nombre de candidats de gauche a d'une certaine manière empêché le candidat socialiste d'être présent au deuxième tour (Lionel Jospin) au profit de Jean-Marie Le Pen.

 

Le rapport Balladur propose de mettre en place un système de sélection par un collège de 100000 élus environ. Ne pourraient être candidats que ceux ayant reçu un certain pourcentage de voix. On ajouterait à ce collège d'élus seulement quelques nouveaux.

 

Il faut ensuite étudier les modalités d'élection à proprement parler. C'est un scrutin majoritaire à deux tours qui s'applique : est élu au second tour celui qui obtient la majorité des voix, et est présent au second tour les deux premiers candidats du premier tour. Si le deuxième candidat du premier tour se désiste, ce peut être le troisième qui prend sa place.

 

Le mandat présidentiel peut être interrompu : à cet égard la constitution, l'article 7, distingue la vacance de la présidence de la situation d'empêchement. La vacance est nécessairement définitive : elle intervient en cas de décès du président (Pompidou) ou en cas de démission (De Gaulle). L'empêchement est la situation dans laquelle le président ne peut plus, provisoirement ou définitivement, exercer ses fonctions. Cette situation est constatée par le conseil constitutionnel qui doit être saisi par le gouvernement.

 

En cas de vacance ou d'empêchement définitif s'ouvre une période d'intérim présidentiel. C'est le président du Sénat qui assure l'intérim, à défaut c'est le gouvernement. En toute hypothèse le président intérimaire n'est là que pour assurer la continuation de l'Etat et selon une expression consacrée « assurer l'expédition des affaires courantes » : il n'est pas là pour gouverner. Ce président de la république ne peut pas utiliser l'article 11 ni l'article 12. Par ailleurs la constitution indique que ni l'article 49 ni l'article 89 ne peuvent être mis en oeuvre. Lorsque l'empêchement n'est que provisoire, c'est une situation de suppléance (et non pas d'intérim) qui s'ouvre alors et dans ce cas de figure le président est suppléé, remplacé par le premier ministre. Le premier ministre va assurer par exemple la présidence du conseil des ministres (déplacement du président, hospitalisation...).

 

Section 2 : Les manifestations de la domination présidentielle

 

I. Les rôles respectifs du Président et du Premier ministre

 

Dans les premiers temps de la 5ème république on a pu penser que l'exercice du pouvoir était partagé, entre le premier ministre et le président de la république. Cette répartition du pouvoir avait fait l'objet d'une théorie de Jacques Chaban Delmas en 1959. Selon lui on devait distinguer ce que l'on appelait le domaine réservé du président de la république (matières cruciales pour les intérêts supérieurs de la nation : politique étrangère, défense, et Algérie). Dans ces domaines le président de la république était le décideur et le premier ministre, avec son gouvernement, avait pour rôle de mettre en oeuvre les décisions présidentielles prises dans ces différentes matières. Il y avait d'un autre côté ce que Delmas appelait le domaine ouvert, c'est à dire en fait le reste et, en somme, la politique intérieure.

 

Cette répartition a pu sembler correspondre à la pratique du pouvoir entre 1959 et 1962, parce que le président était absorbé par les questions de nature diplomatiques et bien sûr par la crise algérienne, et le premier ministre semblait avoir la haute main sur les affaires économiques et sociales. En réalité si le premier ministre a bénéficié d'une assez grande liberté de décision pendant cette période, d'une assez grande autonomie, les orientations essentielles de la politique économique et sociale étaient fixés par le président de la république.

 

A partir de 1962 les choses seront plus nettes parce que De Gaulle, « débarrassé » de la question algérienne, va s'intéresser d'un peu plus près aux questions économiques et sociales, réduisant d'autant la sphère d'autonomie du premier ministre. Les choses seront alors plus évidentes, plus transparentes, concernant les rôles du président et du premier ministre.

 

On constate donc que la théorie du rôle partagé de l'exécutif ne peut pas correspondre à la réalité de l'exercice du pouvoir, parce que les rôles sont trop liés. On ne peut pas arbitrairement dissocier les questions internes des questions extérieures. De Gaulle reconnaîtra la situation dans une conférence de presse du 31 janvier 1964 : « on ne saurait accepter qu'une diarchie exista au sommet de l'Etat [...] mais justement, il n'en est rien ». Ce qu'il indique ici c'est qu'il n'y a pas, en situation de primauté présidentielle, deux autorités placées sur un pied d'égalité, sur un même plan, autonomes, il n'y a qu'une autorité : celle du chef de l'Etat, élu au suffrage universel direct, le premier ministre lui étant subordonné.

 

Le rôle du premier ministre, selon De Gaulle, est de décharger le président de la conjoncture politique, parlementaire, administrative, économique... Il est chargé en somme de met!!!!!!!tre en oeuvre la politique présidentielle. Concrètement, cette mise en oeuvre consiste à diriger l'administration, étant un outil de mise en oeuvre des politiques publiques, coordonner l'activité des ministères, déposer des projets de loi devant le parlement (et faire en sorte qu'ils soient adoptés). Le président de la république définit la politique de la nation, et le premier ministre la conduit. Il est subordonné, c'est un exécutant.

 

Deux nuances sont à apporter à cet énoncé :

  • sur le plan de la détermination de la politique nationale : si le président de la république est le décideur suprême, il va de soi que le premier ministre et son gouvernement peuvent être plus ou moins étroitement associés à l'élaboration de cette politique nationale.

  • sur la conduite de la politique nationale : elle ne se réduit jamais à un rôle de pure exécution ; elle suppose une certaine liberté de décision, une certaine autonomie, au bénéfice du premier ministre et des ministres. Le président de la république a par ailleurs la possibilité d'évoquer à lui toute affaire pour la régler directement.

 

II. La nomination des membres du gouvernement et la cessation de leurs fonctions

 

A/ Le premier ministre

 

  1. La nomination du premier ministre

 

Article 8 alinéa 1 : « le président de la république nomme le premier ministre. » On peut penser alors qu'il est totalement libre de son choix. Pourtant en réalité on sait qu'il doit prendre en considération la couleur politique du Parlement (puisque ce dernier peut renverser le gouvernement).

 

La liberté du président sera donc plus ou moins grande selon la période : primauté présidentielle ou cohabitation. En période de primauté présidentielle le président choisit assez librement son premier ministre. Mais aussi importante soit-elle, cette liberté n'est jamais totale, et dans certains cas le choix présidentiel peut être dicté par les circonstances politiques. C'est arrivé deux fois : une première fois en 1974 : Giscard d'Estaing a du appeler à Matignon un des leaders du groupe parlementaire le plus important de la majorité, Jacques Chirac, qui n'est pourtant pas de son propre parti, minoritaire au sein de l'assemblée. C'est arrivé en 1988 : Mitterrand appelle Michel Rocard pour devenir Premier ministre, alors que ce dernier a été longtemps son rival pour la candidature (ils étaient du même parti).

 

En situation de cohabitation, le président de la république n'a pas vraiment le choix du premier ministre. Lorsque son camp perd les législatives, il doit appeler à Matignon le leader de la nouvelle majorité. C'est ce qui s'est passé en 1986 : Mitterrand appelle Jacques Chirac, et en 1997 : Jacques Chirac désigne Lionel Jospin. Ce n'est pas exactement ce qui s'est passé en 1993 : Mitterrand désigne Balladur qui n'est pas le leader de la majorité de droite, qui n'est pas le chef (le chef de la majorité était Chirac, mais il ne souhaitait pas devenir premier ministre, il pensait que ce n'était pas une bonne chose pour se présenter ensuite à la présidence).

 

  1. La cessation des fonctions du premier ministre

 

Le texte est le suivant : article 8 : « le président met fin aux fonctions du premier moinistre sur la présentation par ce-dernier de la démission du gouvernement ». On notera au passage que le départ du premier ministre entraîne le départ de tout le gouvernement.

 

Le président de la république ne semble pas pouvoir révoquer le chef du gouvernement : il doit attendre que l'initiative soit prise par le premier ministre (ce qui est tout à fait logique au demeurant puisqu'un premier ministre qui serait politiquement responsable devant le président ne pourrait pas gouverner, ce ne serait pas celui qui gouverne, comme le prévoit la constitution).

 

La pratique est différente. D'abord en période de primauté présidentielle : le président de la république met fin aux fonctions du premier ministre quand il le souhaite. Il dispose donc d'un pouvoir de révocation de fait, un pouvoir non prévu par la constitution. Il aurait même existé des lettres de démission en blanc remises par certains premiers ministres au moment de leur entrée en fonctions. Elles illustrent parfaitement la subordination des premiers ministres au moment de leur entrée en fonction.

 

Le premier ministre se trouve donc dans une situation délicate, puisqu'il endosse une double responsabilité politique : il assume la responsabilité, devant le président, de la bonne exécution de la politique présidentielle, responsabilité de fait non prévue par le texte, et il est par ailleurs responsable politiquement devant l'assemblée nationale (ce qui est prévu par la constitution).

 

En fait la responsabilité la plus lourde est celle du premier ministre devant le président. En effet avec le fait majoritaire la responsabilité du premier ministre devant l'assemblée nationale est devenue presque virtuelle. C'est le premier ministre qui endosse l'impopularité du président de la république.

 

En situation de cohabitation, la révocation du premier ministre est impossible. Il peut cependant y être contraint lorsque son camp perd les élections législatives ou l'élection présidentielle : les premiers ministres ne partent pas uniquement parce qu'on les a révoqué ou qu'ils ont démissionné. Exemple : en 1988, Mitterrand est réélu, et Jacques Chirac démissionne quasi-immédiatement. C'est arrivé en 2002 aussi.

 

 

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